AU HIT-PARADE des vagues de chaleur les plus sévères observées en France depuis 1950, le millésime de l'été 2006 arrive en deuxième position. Juste après la vague d'août 2003. Sur l'ensemble de la France métropolitaine, durant dix-huit jours, entre le 11 et le 28 juillet 2006, les températures maximales moyennes ont dépassé 30 °C, les températures minimales sur cette période se situant également à un niveau élevé, supérieures à 17 °C. Bien que l'intensité de cette vague n'ait pas atteint celle de 2003 (onze jours consécutifs avec la moyenne des températures maximales supérieures à 33 °C), sa durée et son intensité la rendent comparable à la grande vague de chaleur de juin 1976, dont la surmortalité avait atteint près de 6 000 décès.
Pour l'été 2006, les indicateurs biométéorologiques élaborés par l'InVS permettaient d'estimer la surmortalité attendue à 6 082 décès, ce qui représente une surmortalité de 29 %. Or la surmortalité effectivement mesurée sur cette période parmi les personnes de 55 ans et plus est estimée à 1 727 décès, ce qui correspond à une surmortalité réelle de 8 %.
Dans leur rapport remis à l'Institut de veille sanitaire, Anne Fouillet, Grégoire Rey, Eric Jougla et Denis Hémon (Inserm) constatent donc que cette vague de chaleur a entraîné «une surmortalité, certes statistiquement significative et non négligeable, mais aussi très sensiblement inférieure à la surmortalité attendue».
4 355 décès de moins que prévu.
Si le lien entre les températures et la mortalité en 2006 était identique à celui de la période 1975-2003 (période qui a servi de référence à l'établissement des modèles mathématiques), l'écart entre le nombre des décès observés et celui des décès attendus est estimé à 4 355 décès sur les dix-huit jours de la vague de chaleur.
Avant d'interpréter cette réduction de la vulnérabilité de la population à la chaleur, les auteurs ont voulu, d'une part, vérifier si le lien entre chaleur et mortalité observé entre 1975 et 2002 rendait bien compte des observations sur la période 2004-2006 ; et, d'autre part, analyser spécifiquement la surmortalité observée en juillet 2006 par rapport au lien établi, entre 1975 et 2002, toujours entre les températures et la mortalité.
Le modèle, établi sur une période de vingt-huit ans entre 1975 et 2002, met en relation, rappellent-ils, les fluctuations quotidiennes de la mortalité et celles des températures pendant les quatre mois estivaux (de juin à septembre) ; il fournit une mesure du nombre de décès attendus pour un jour précis, compte tenu des températures qui ont été observées au cours des dix jours précédents. Selon le rapport, la fiabilité prédictive du modèle peut être jugée « très bonne » : les données ont en effet été vérifiées pour les étés 2004-2006. On y observe toujours un lien très net entre les fluctuations quotidiennes des températures minimales et maximales et celles du niveau de la mortalité générale.
Pour l'année 2006, le rapport se penche tout d'abord sur les mois de juin, août et septembre 2006 ; il n'observe ni surmortalité ni sous-mortalité, les fluctuations quotidiennes mesurées pendant ces trois mois restant à des niveaux parfaitement conformes à ceux modélisés sur la période 1975-2003.
En ce qui concerne la vague de chaleur qui a sévi du 11 au 28 juillet, en revanche, l'excès de mortalité observé pour l'ensemble de la population est proche de 2 000 décès, ce qui représente une hausse de 9 % de la mortalité. Cependant, la surmortalité attendue est estimée à 6 500 décès, soit une progression de 27 %. L'écart entre les nombres de décès observés et attendus, si le lien entre les températures et la mortalité en 2006 était le même que sur la période 1975-2002, est de – 4 400 décès sur les dix-huit jours de la vague de chaleur et de – 5 000 décès pour l'ensemble du mois de juillet.
Pour la surmortalité observée comme pour la surmortalité prévue, ce sont les personnes les plus âgées qui ont été les plus touchées, avec un excès observé proche de 1 200 chez les plus de 75 ans et de 5 000 pour la surmortalité attendue.
Comment interpréter de tels écarts ? Les chercheurs de l'Inserm avancent trois explications :
– la population de la France métropolitaine, choquée par les effets catastrophiques de la vague de chaleur d'août 2003 (19 490 morts), aurait massivement pris en compte le risque caniculaire ;
– les mesures de prévention des risques adoptées par les pouvoirs publics et les différentes institutions, toujours depuis 2003, ont porté leurs fruits ;
– le système de surveillance et d'alerte des vagues de chaleur mis conjointement en place par l'InVS et Météo France depuis juin 2004 a aussi produit ses effets.
Alors que le thème du réchauffement climatique est présent dans tous les esprits, voilà un rapport qui salue la prise de conscience générale des effets sanitaires du phénomène, tout à la fois par l'opinion et par les pouvoirs publics.
Le rapport est disponible sur les sites de l'Inserm (inserm.fr) et de l'Invs (invs.sante.fr).
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