LES PROBLÈMES de démographie et les déserts médicaux peuvent passer pour une abstraction, vus de la ville. Mais, dans le département du Cher, ils recouvrent une réalité qui semblera banale à l'échelle de la France entière d'ici à quelques années, si l'on n'y prend garde.
En effet, selon les chiffres de l'année 2004, avec 270 généralistes, (dont plus de 110 ont entre 50 et 60 ans), ce département avait à l'époque une densité médicale de 86 médecins pour 100 000 habitants. Une densité à comparer à celle de la région Centre, à laquelle appartient le département du Cher, qui comptait la même année 95 médecins pour 100 000 habitants, et à celle de la France entière, qui comptait 114 médecins pour 100 000 habitants.
C'est pour lutter contre cette situation préoccupante que le département du Cher a décidé de prendre le taureau par les cornes. Certes, de nombreuses aides financières à l'installation existent déjà au niveau national, mais elles ont pour l'instant rencontré un succès mitigé, quand elles n'ont pas tout simplement provoqué un simple effet d'aubaine.
Pour pallier la pénurie de médecins, le conseil général du Cher va donc lancer dès la rentrée 2007 une opération de communication, comprenant notamment la distribution de brochures et de CD-Rom, auprès des étudiants des facultés de médecine, afin de leur présenter sous un jour attrayant l'exercice en zone rurale. Des bourses seront également octroyées aux étudiants qui s'engageront à s'installer dans le Cher.
Attention aux effets d'aubaine.
Pour le Dr Michel Bibanow, président du groupe socialiste au conseil général du Cher, «la démographie médicale du département s'assombrit d'année en année depuis au moins vingt ans». Pour preuve, le canton de Nérondes, d'où il est issu : ce canton comptait encore trois médecins généralistes voici quatre ans, il n'en reste plus qu'un aujourd'hui. Et si le Cher est le plus grand département de la région Centre, il est aussi le moins peuplé en proportion, ce qui n'arrange pas les choses.
S'agissant des aides à l'installation, le Dr Bibanow est dubitatif : «On connaît les limites de ce genre de dispositif», effet d'aubaine le plus souvent. Si bien que le conseil général, constatant que l'installation de médecins dans le département n'est pas une question d'argent, propose plutôt de les aider à créer des maisons médicales pluridisciplinaires, afin de leur rendre l'exercice plus facile par le regroupement. Le Dr Bibanow n'est pas en mesure de chiffrer les sommes prévues à cet effet par le conseil général, mais le budget existe, même s'il n'a pas encore servi.
Un « bon » département.
Le conseil général semble en revanche placer de plus grands espoirs dans les bourses étudiantes. Si bien que, dès la rentrée prochaine, il va distribuer des brochures dans les facultés de Tours, de Paris, de Dijon et de Clermont-Ferrand. Avec pour objectif de «montrer aux étudiants que la médecine rurale n'est plus ce qu'elle était, et que le médecin à la Balzac ou à la Flaubert n'existe plus».
Il s'agira également de vanter les mérites du département : «Chez nous, ajoute le Dr Bibanow, il fait bon vivre, il y a de bonnes routes, les gros bourgs ruraux ont leur poste et leur collège, le conjoint d'un médecin peut facilement trouver du travail, et Paris est à peine à deux heures par l'autoroute.» Le conseil général proposera donc aux étudiants intéressés le contrat suivant : en échange d'une bourse de 600 euros par mois dès le début de son 3e cycle d'études médicales, l'étudiant s'engagera à exercer durant cinq années dans l'une ou l'autre des zones sous-médicalisées du département, selon le Dr Bibanow, qui regrette cependant que d'autres départements plus riches (comme la Saône-et-Loire) «proposent parfois jusqu'à 1000euros par mois aux étudiants».
Il est encore trop tôt pour jauger les effets de ce plan, ce qui n'empêche nullement le Dr Bibanow d'avoir quelques idées sur les mesures à prendre au niveau national. Il milite pour une régionalisation du numerus clausus, «ce qui permettrait de l'augmenter ou de le baisser à ce niveau régional». Il milite pour «des mesures plus autoritaires» qui, sans aller jusqu'à supprimer la liberté d'installation, pourraient l'encadrer assez rigoureusement : «Il n'est pas question bien sûr d'obliger les jeunes médecins à aller s'installer à tel ou tel endroit, précise le Dr Bibanow. Mais il faudra bien un jour leur dire que cela ne signifie pas qu'ils peuvent s'installer n'importe où. A défaut de les obliger à s'installer quelque part, il faudra les empêcher d'aller là où la population médicale est déjà trop importante.»
Un avis qu'il aurait été presque impossible d'émettre il y a quelques année, mais qui se développe actuellement.
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