ALBINA DU BOISROUVRAY vient de passer un mois et demi en Inde. Elle a rencontré le président Abdul Kalam, parlé avec le Premier ministre, écouté des chefs de gouvernement locaux, s'est rendue dans des petits villages, c'est une femme exaltée, portée par le désir de faire changer les choses, à défaut de changer le monde, qui raconte son voyage.
L'Inde est le dernier chantier en date de l'association FXB. Albina du Boisrouvray se consacre depuis 2002 à monter des programmes d'aide et de prévention dans ce pays où, contrairement à l'Afrique, elle est arrivée, en amont de l'épidémie.
Tout de suite pointe un regret, les choses bougent, mais pas assez vite : «L'Inde a besoin d'une grande campagne nationale d'information sur le sida, mais elle n'est pas encore prête, malgré un président extrêmement touché par le sort des orphelins dans son pays et sensible à l'alternative aux grands orphelinats que propose l'Afxb» (programmes que l'association réalise déjà en Afrique et en Amérique du Sud).
«J'ai trouvé le président et le Premier ministre très ouverts, mais il manque quelque chose, ou plutôt quelqu'un, comme en Thaïlande en 1990, lorsque le ministre de la Santé a inauguré un restaurant appelé Choux-Fleurs et Préservatifs. Il lançait ainsi la première campagne contre le sida visant à lever les tabous et modifier les comportements sexuels, on le voyait réaliser un joli bouquet de préservatifs… Il faut quelqu'un comme ça en Inde, quelqu'un qui accepte de parler publiquement de sida, de moeurs et de comportements sexuels pour lancer une campagne nationale de prévention. En Thaïlande, ça a bien marché, ils ont même réduit la prévalence. Mais pour le moment, personne ne veut s'y coller…»
Les regrets se transforment vite en cri d'alarme, il y a urgence. «Quand on est arrivé, l'Inde niait encore le problème, tout comme la Chine, or le sida était déjà là. Il faut aller vite, l'épidémie progresse avec sa cohorte d'orphelins dans son sillage, et bien qu'il n'y ait toujours pas de chiffre officiel, il y a des orphelins dans tous les villages, là où il y en avait 10 en 2003, ils sont aujourd'hui une centaine.»
Aussi, en attendant la grande campagne nationale que l'Inde ne serait pas prête à lancer, Albina du Boisrouvray poursuit le travail de terrain commencé il y a cinq ans, distribution d'antirétroviraux, achat de médicaments pédiatriques, réseau de centaines de barbiers chargés de diffuser les B.A.BA de la prévention à leurs clients, campagnes d'informations sur les chantiers du n° 1 du BTP indien : «Il faut informer les gens là où la maladie se propage, nous avons commencé au nord-est du pays où la population toxicomane est importante à cause des frontières, au Cachemire où la proximité de la guerre développe la prostitution, la population migrante en Inde est un vecteur de propagation important de l'épidémie, d'où la nécessité d'intervenir sur les grands lieux de travail.»
Du « sur-mesure ».
Albina du Boisrouvray sait qu'il faut sans arrêt inventer de nouveaux moyens de lutte contre les conséquences de la misère, qu'elle soit d'ordre social ou sanitaire. C'est la particularité du système d'aide proposé, faire du « sur-mesure », imaginer des microsolutions différentes dans chaque pays, adaptées à chaque culture pour qu'elles puissent fonctionner de façon durable. Albina du Boisrouvray l'a fait en Amérique latine, et avant en Afrique, là où tout a commencé. L'idée est née en Ouganda, il y a dix-huit ans, lorsqu'une femme lui a lancé : «Donnez-moi une vache, alors je pourrais nourrir mes enfants, vendre le surplus au marché et en envoyer deux à l'école.» Ces quelques mots ont guidé l'action de l'association : «Pour aider les orphelins du sida, il faut aider ceux qui s'en occupent, pour aider les enfants, il faut aider les adultes. La première chose à faire est de leur procurer un revenu en suscitant une activité économique quicouvrira les besoins vitaux.»
Dix-huit ans plus tard, l'association compte 90 programmes dans 18 pays. Les « villages modèles FXB » sont des programmes de soutien direct aux familles et communautés qui prennent en charge les orphelins du sida : chaque programme est doté d'un budget de 150 000 dollars sur trois ans pour aider 80 familles à créer une activité génératrice de revenus. L'Afxb fournit le matériel nécessaire au démarrage de l'activité et accompagne les bénéficiaires jusqu'à l'autonomie.
«Nous sommes prêts à développer les villages modèles afxb en Inde, mais il va falloir s'adapter à la culture indienne. Je pense qu'il faut introduire le principe du microcrédit dans nos projets car dans ce pays, si quelque chose ne coûte rien, ça ne vaut rien.»
En Afrique, c'est l'heure du bilan, les résultats montrent l'efficacité du système : 80 % des bénéficiaires sont financièrement autonomes trois ans après le démarrage du projet, 74 % d'entre eux dégagent un profit de 4 dollars par jour.
Une satisfaction immense pour cette femme qui a fondé son action sur les liens existant entre santé et droits de l'homme, convaincue que la pauvreté, le sous-développement, l'analphabétisme et la stigmatisation sont les causes principales de la propagation de l'épidémie.
Pour en savoir plus sur la journée du 7 mai et le dispositif de dons : www.afxb.org.
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