IRONIE DU SORT, le futur dossier pharmaceutique a pris de l'avance sur son « grand frère », le dossier médical personnel (DMP), depuis que celui-ci a été reporté en 2008 (« le Quotidien » du 27 février). Très différent du point de vue de sa cible et de son mode de fonctionnement, le dossier pharmaceutique contribuera à l'alimentation continuelle du DMP, au même titre que le dossier communicant de cancérologie (DCC) et les dossiers partagés de réseaux de santé.
Pour qui?
Mis en oeuvre par le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens (Cnop), le dossier pharmaceutique (DP) est un dossier strictement professionnel à l'usage des officinaux, contrairement au DMP qui sera la propriété du patient et pourra être consulté par divers professionnels de santé habilités (1).
Dans un premier temps, environ 2 150 officines ont été sollicitées pour expérimenter le DP dans les six départements pilotes. En fin de semaine dernière, le Cnop avait déjà reçu «plus de 700réponses positives» de la part des pharmaciens concernés, selon Sylvain Iemfre, directeur de la maîtrise d'ouvrage du DP à l'Ordre.
Où?
L'expérimentation du DP se déroulera dans six départements : Doubs, Meurthe-et-Moselle, Nièvre, Pas-de-Calais, Rhône et Seine-Maritime.
Quand?
Le test « grandeur nature » du DP doit durer six mois. Le lancement de l'expérimentation est actuellement soumis au feu vert de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), qui examinera le dossier le 3 mai prochain. La généralisation du DP aux 23 000 officines du territoire national doit se faire à l'horizon 2010.
Quel contenu?
Consultable en présence du patient au moyen de sa carte Vitale et de la carte de professionnel de santé (CPS), le DP portera à la connaissance du pharmacien tous les médicaments délivrés au patient dans n'importe quelle officine pendant les quatre derniers mois. Le pharmacien verra les noms, la quantité et le numéro de lot des médicaments délivrés, mais le DP ne précisera ni le nom des médecins prescripteurs ni l'adresse des officines concernées.
Comparé au Web médecin (2), le dossier pharmaceutique présente des atouts supplémentaires pour repérer les risques d'interactions médicamenteuses. Le DP offre en effet un spectre plus large des traitements suivis, puisqu'il listera aussi bien les délivrances récentes de médicaments prescrits – qu'ils soient remboursés ou non par l'assurance-maladie –, que les produits d'automédication.
Le DP présente toutefois un handicap : contrairement au futur DMP, ce n'est pas un outil partagé par la ville et l'hôpital. Réservé dans un premier temps aux pharmaciens d'officine, il ne sera ni alimenté ni consulté par les pharmaciens hospitaliers.
Par ailleurs, la consultation du DP par les pharmaciens limitera au minimum les effets iatrogènes sans les supprimer tout à fait. Comme le rappelle Sylvain Iemfre, ces derniers ne résultent «pas seulement d'erreurs de prescription ou de dispensation» dans les quatre derniers mois : ils peuvent être provoqués par des produits d'automédication puisés dans la pharmacie familiale ou par «des fins de traitements prescrits gardés en réserve».
Quel lien avec le DMP?
Le contenu du DP a vocation a être reversé au futur DMP, avec le consentement du patient, conformément à la loi du 30 janvier 2007 sur les professions de santé. A terme, le dossier pharmaceutique «va représenter une part importante des données contenues dans le DMP puisque les pharmaciens font 2 millions de dispensations de médicaments par jour», souligne le responsable du DP au Cnop. L'Ordre des pharmaciens est actuellement en discussion avec le groupement d'intérêt public chargé du DMP pour préciser les modalités de l'alimentation de chaque dossier médical personnel (quand il existera) par le DP du patient, de manière journalière (chaque nuit par exemple), si l'accord du patient est acquis. Un protocole instaurera donc une passerelle entre Santeos (filiale santé du groupe Atos Origin), choisi comme hébergeur unique des DP par le Cnop après appel d'offres, et les futurs hébergeurs agréés du DMP.
(1) A l'exception des médecins du travail et des praticiens mandatés par les mutuelles ou les assurances.
(2) Prévu par la loi Douste-Blazy du 13 août 2004 (comme le DMP), le Web médecin ou historique des remboursements est un service en ligne expérimenté actuellement par l'assurance-maladie auprès d'un millier de médecins libéraux installés dans les Alpes-Maritimes, le Val-d'Oise et les Yvelines.
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