PEINT D'UN BLEU PÂLE, sans logo ni inscription qui trahirait ce qu'il abrite, le camping-car* de l'équipe que dirige Sylvie Tordjman, pédopsychiatre, chef du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent du CHU de Rennes, parcourt, depuis janvier 2006, Bain-de-Bretagne et la campagne environnante. Déjà plus de 100 adolescents ont été rencontrés. A proximité de l'école ou du domicile familial, quand les parents refusent de recevoir les soignants chez eux. Le camping-car, doté d'une salle d'attente et d'un bureau, fait alors office de lieu neutre. Parfois, la rencontre se déroule à l'infirmerie de l'école, ou dans le cabinet du médecin de famille.
Repérés par des enseignants, des médecins traitants ou des pédiatres, des assistantes sociales ou des éducateurs de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), les jeunes et leur famille sont contactés par l'équipe qui assure une permanence téléphonique dotée d'un numéro unique. Un élève qui est toujours isolé dans la cour du collège ou est souvent absent, un autre qui est violent, avec des gestes ou avec des mots, un adolescent qui manifeste des troubles de conduite. «Ce sont des signaux d'alarme qui justifient notre intervention, explique le Pr Sylvie Tordjman. Il faut être attentif à ces signes car beaucoup de jeunes n'ont pas de demande explicite et ne consultent donc pas. Soit ils ne peuvent parvenir à élaborer cette demande d'aide, soit ils ne se manifestent pas parce qu'ils ne savent pas comment et où s'adresser. Très souvent, la famille est isolée socialement, en situation de précarité psychique ou sociale. Notre dispositif a été pensé pour que ce soit nous qui allions à leur rencontre.»
L'équipe, composée de deux pédopsychiatres, de trois internes, de deux psychologues, de deux infirmiers et d'un cadre infirmier, d'une psychanalyste (qui assure une supervision tous les 15 jours), d'une éducatrice spécialisée, d'une assistante sociale et d'une secrétaire médicale, peut être sur place dans les 48 heures en cas d'urgence. L'intervention est pratiquée en binôme, défini selon le profil du jeune à voir et, pour le premier rendez-vous, toujours avec un référent médical pour évaluer la situation clinique. En quelques rencontres (de deux à six généralement), l'équipe va tenter d'intégrer l'adolescent dans une démarche de soins. «Il ne s'agit pas de lui dire “Tu es demandeur mais tu ne le sais pas”, mais plutôt que nous, soignants, nous sommes demandeurs car on est inquiets, souligne Sylvie Tordjman. C'est valorisant d'entendre cela, surtout quand, dans les cas de dépression, il y a perte de l'estime de soi. Notre discours doit être assez mobilisateur pour enclencher une demande.»
L'équipe, formée à la thérapie familiale, n'oublie jamais d'impliquer la famille. Le jeune est toujours pris dans son environnement social. «Le travail de requalification de la famille, souvent démunie, est le levier le plus important pour agir sur les troubles de la conduite», estime la pédopsychiatre rennaise.
Etablir ou rétablir le lien.
Quand l'accès aux soins est assuré, que la prise en charge a commencé, l'équipe peut passer le relais. D'autres structures accompagnent le jeune : un CMP (centre médico-psychologique), un service d'hospitalisation, les services sociaux, les éducateurs de la PJJ ou encore le centre d'activité thérapeutique à temps partiel créé au sein d'un CMP pour adolescents. Une multiplicité d'intervenants qui est essentielle pour le Pr Tordjman : «Très souvent, le jeune souffre d'une pathologie du lien. Notre travail va être d'établir, ou de rétablir ces liens. Et le fait de créer des liens entre nous et d'autres institutions, différentes de nous, dont on respecte les spécificités, donne un nouveau modèle de représentation des liens au jeune. Il va se rendre compte ainsi qu'il a une image multifacettes, non figée, donc capable d'évoluer. Selon son interlocuteur, il n'est pas seulement le “délinquant”, le “déprimé”, etc.»
Une approche qui séduit déjà d'autres équipes préoccupées par les jeunes en souffrance**.
* Acheté et aménagé grâce à l'opération des Pièces jaunes.
** Le 10 mai, une journée de pédopsychiatrie est organisée au CHU de Rennes sur le thème « Enfants et adolescents violents : vers de nouvelles perspectives de compréhension, prévention et intervention », tél. 02.99.51.06.04.
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