TOUT CE QUE L'ON SAIT des grandes élections en France et ailleurs, c'est qu'il n'est de victoire possible que pour un homme (ou une femme) qui désire ardemment être élu(e) et qui peut piétiner quelques délicats terre-pleins de l'éthique pour parvenir à ses fins.
On ne reprochera donc pas à Nicolas Sarkozy d'avoir fait sien ce principe, d'autant que la bataille actuelle arrive au terme de la longue campagne qu'il conduit depuis vingt ans pour devenir président. On ne lui reprochera pas davantage d'avoir fait l'analyse que nous faisions nous-mêmes il y a quelques semaines et selon laquelle, quand la poussière est retombée sur les émeutes, les manifestations et les grèves d'un pays qui se déclare en colère contre tous les pouvoirs et dont on attendrait presque une insurrection, on s'aperçoit que 60 % des Français votent à droite, si l'on inclut l'extrême droite.
Forte tension.
Nicolas Sarkozy, fort de cet enseignement, n'a pas craint de se placer dans un rapport de forte tension et même de violence verbale avec Ségolène Royal. A mesure qu'il provoquait la gauche, elle haussait le ton ; et d'une certaine manière, elle est tombée dans un piège : c'est de cette manière qu'elle a semblé défendre le resquilleur de la gare du Nord et ceux qui ont pris parti pour lui.
Le malheureux résultat de cet affrontement, c'est que nous avons maintenant deux caricatures : Sarkozy en Le Pen à peine atténué et Royal en Bové. L'honnête homme en perd son latin, qui ne veut pas d'irresponsabilité en matière de sécurité, mais qui admet que M. Sarkozy a tendance à dresser les gens les uns contre les autres, ce que Mme Royal ne cesse d'ailleurs de clamer.
Visiblement, M. Sarkozy n'est pas choqué par cette accusation, sans doute parce qu'il pense que la fin justifie les moyens, qu'il a renoncé à ratisser à gauche, que l'image qu'on donne de lui à gauche et dans les cités lui apporte des voix, que c'est de cette manière qu'il l'emportera au second tour. Jean-Marie Le Pen perçoit le danger, qui s'en est allé vendredi dernier à Argenteuil pour dénoncer «les ghettos et les politiciens qui y ont parqué les immigrés». Alors que Nicolas Sarkozy n'a pas, à ce jour, trouvé de banlieue où il puisse se rendre en toute sécurité. M. Le Pen a annoncé un « tsunami » en sa faveur, convaincu qu'il est que sa cote dépasse les 14 % que lui accorde le sondage qui lui est le plus favorable. S'il avait raison (et nous craignons tous une réédition du 21 avril 2002), cela signifierait que M. Bayrou est surévalué actuellement. Bien entendu, rien n'est sûr, de sorte qu'à la stratégie de M. Sarkozy on ne peut opposer que les élans du coeur : s'il vous plaît, Monsieur le candidat de l'UMP, ne donnez pas raison à ceux qui vous accusent de verser dans l'extrémisme.
SARKOZY PREND LE PARI QUE LE DURCISSEMENT DE SA CAMPAGNE LUI PERMETTRA DE L'EMPORTER
L'alternative Bayrou.
Xavier Bertrand, porte-parole de M. Sarkozy, estime que «M.Bayrou tente de contourner Ségolène Royal à gauche». Il nous semble toutefois que le durcissement idéologique apparent de M. Sarkozy donne à M. Bayrou une occasion d'apparaître, plus que jamais, comme une alternative : là où le candidat de l'UMP « divise », celui du centre « apaise ».
M. Bayrou ne doit pas se plaindre : il a fait une campagne remarquable et même s'il échoue, il aura réussi un tour de force. Il demeure qu'il ne peut pas nous rassurer sur sa capacité à former un gouvernement soutenu par une majorité parlementaire. Mais cela est vrai depuis qu'il est candidat (cela fait donc plus de cinq ans), et il y a beaucoup de centristes de coeur qui ne le suivent pas.
On ne saura qu'au second tour si M. Sarkozy a choisi la bonne stratégie. Pour notre part, nous souhaitons que cette stratégie ne dure que le temps de la campagne et que, s'il est élu, il appliquera une politique plus ouverte vers les minorités. Dans son bilan, beaucoup de ses actes montrent non seulement qu'il n'est pas intolérant, mais qu'il veut normaliser la place des musulmans et des Noirs dans la société française. On ne peut pas lui enlever ce qu'il a proposé, par exemple la discrimination positive, qui est peut-être discutable, mais qui indique que, si M. Sarkozy ne souhaite pas ouvrir les portes de la France à tous les immigrés, il espère très sincèrement que ceux qui sont installés chez nous régulièrement soient cooptés dans la société française et s'y fondent, si c'est possible.
Il demeure qu'il ne peut pas échapper à l'image qu'il donne de lui-même et que la gauche noircit à souhait, alors qu'elle a beaucoup de reproches à se faire au sujet de l'immigration. Certes, il ne faut pas absoudre M. Sarkozy, mais il ne faut pas non plus s'enthousiasmer pour les subtilités programmatiques de la gauche qui risquent d'être soit inapplicables, soit inopérantes.
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