ENGAGÉS SUR LA VOIE de la modernisation par le plan quinquennal Hôpital 2007 voulu par Jacques Chirac, les établissements de santé se considèrent aujourd'hui à la croisée des chemins.
Leur devenir dépend du cap que fixera le futur chef d'Etat. Avides de découvrir le projet des douze aspirants à l'Elysée, les professionnels du secteur restent sur leur faim. «La santé est très discrète dans la campagne, et l'hospitalisation, quasi absente, alors qu'elle représente pourtant 50% des dépenses d'assurance-maladie», constate Ken Danis, président de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP).
Cette année, la traditionnelle visite de campagne dans un hôpital n'a pas été systématique. Les candidats Sarkozy et Royal se sont pliés à l'exercice – le premier à Pontoise, la seconde à Lyon (voir ci-contre). François Bayrou est allé à l'hôpital psychiatrique de Bordeaux. A l'occasion de ces visites de terrain, des promesses générales, des propos consensuels, mais pas de prises de position tranchées.
Les meetings n'ont pas davantage répondu aux attentes des hospitaliers : les discours des candidats ont survolé, voire esquivé, le sujet. Sur le papier, les programmes fixent tout de même quelques orientations. L'UMP promet un plan Hôpital 2012 et 10 milliards d'euros d'investissements supplémentaires, ainsi que la poursuite de la convergence des tarifs entre les hôpitaux et les cliniques. A l'inverse, le PS veut suspendre cette convergence tarifaire et remettre à plat la tarification à l'activité (T2A). Le PC et la LCR vont plus loin et proposent d'abolir la T2A.
Tailler « dans le gras » ?
La question des restructurations divise également. Nicolas Sarkozy veut poursuivre les regroupements ; Ségolène Royal s'y oppose et promet de maintenir les hôpitaux généraux et locaux.
En 2002, François Bayrou se déclarait prêt à revenir sur les 35 heures à l'hôpital. Cette année, le candidat UDF s'est montré peu prolixe sur l'avenir des hôpitaux. Mais la récente sortie d'un sénateur UDF a pimenté une position jugée jusque-là un peu terne : Jean-Jacques Jégou a promis de faire des économies «dans le gras, à l'hôpital», en réduisant ses dépenses de 20 % sur cinq ans. La déclaration n'a pas échappé à la FHF, «choquée» par des propos «à l'emporte-pièce». «Le candidat de l'UDF devra expliquer à nos concitoyens quels emplois d'infirmière, d'aides-soignant ou de médecin il compte supprimer pour atteindre cet objectif ahurissant», lance Gérard Vincent.
Déçu, l'ancien directeur des hôpitaux l'est aussi des autres partis : «Pas un seul candidat n'a présenté une vision d'ensemble pour l'hôpital, regrette Gérard Vincent. Tous semblent d'accord sur la nécessité de mieux coordonner le pilotage du système au niveau régional. Mais aucun n'aborde les questions qui fâchent. Comment garantir l'égalité dans l'accès aux soins, par exemple? Cela suppose de réguler la liberté d'installation des médecins. Or tous les hommes politiques ont peur des médecins, si bien que l'on reste dans le non-dit. » Nicolas Sarkozy «ose parler», mais il ne parvient pas plus à trouver grâce à ses yeux. «Le candidat UMP veut un patron à l'hôpital: l'intention est bonne, mais il n'en tire pas les conséquences. Cela suppose de faire évoluer le statut des praticiens hospitaliers et leur rémunération.» Le tabou demeure, de même que la question des effectifs hospitaliers, constate à regret le délégué général de la FHF.
De même, la FHP n'est vraiment séduite par aucun des projets électoraux. «Il est difficile de se prononcer sur le fond car les programmes restent en surface», déplore Ken Danis. La remise en cause de la T2A par le PS l'inquiète. La recherche d'une plus grande efficience du système hospitalier public, volonté affichée par l'UMP, «mérite d'être précisée». Pourtant, le président de la fédération des cliniques est convaincu que les candidats ont tracé «les schémas de réformes dans leur tête». «Mais ils ne l'expriment pas de peur de froisser une partie de l'électorat», estime Ken Danis. Pour forcer les candidats à sortir du bois, la FHP leur a adressé un questionnaire détaillé. «Pour que l'assurance-maladie puisse continuer à assurer à tous l'égalité d'accès à des soins performants», la Fédération de l'hospitalisation privée leur demande d' «ouvrir un vrai débat sur la nécessaire réforme du système hospitalier». S'il s'ouvre, le débat devra être mené dans l'urgence : il reste moins de deux semaines avant le premier tour.
L'HAD plaide pour la différence
Si l'hospitalisation est mal lotie dans la campagne dans sa version « classique », elle devient totalement absente des débats quand elle se fait « à domicile ». La Fnehad (Fédération nationale des établissements d'HAD) a donc écrit aux candidats pour leur signaler son existence et les «persuader de son intérêt». C'est Elisabeth Hubert, présidente de la fédération, qui a pris la plume pour brosser un tableau de l'HAD, chiffres à l'appui (70 000 patients pris en charge par ce biais par 205 structures en 2006), et plaider la cause de cette alternative à l'hospitalisation complète. «Composante essentielle du futur paysage sanitaire, remède de choix aux problèmes que vit notre système de santé, instrument privilégié du décloisonnement du sanitaire et du médico-social, l'hospitalisation à domicile, aussi modernes qu'en soient ses principes, a néanmoins besoin d'un engagement plus volontariste des pouvoirs publics en sa faveur», écrit-elle.
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