LA RÉMUNÉRATION statutaire unique des praticiens hospitaliers (PH), progressant à l'ancienneté suivant une grille de treize échelons, garante selon ses défenseurs de la cohésion de la communauté médicale hospitalière, a-t-elle vécu ? Une première brèche officielle vient en tout cas d'être ouverte avec la parution au « Journal officiel » de l'arrêté créant une part variable sur le salaire des chirurgiens de l'hôpital public.
L'affaire était prévue depuis un protocole statutaire signé en septembre 2004 par Philippe Douste-Blazy, alors ministre de la Santé, et les quatre intersyndicats de PH ; elle était entendue depuis la parution au « JO », en octobre dernier, du décret réformant le statut des PH. L'arrêté du 28 mars lui fait franchir une étape décisive. Ce texte a été attendu avec impatience pendant de longs mois par les défenseurs de la part variable, emmenés par la CMH (Coordination médicale hospitalière) et le Snam-HP (Syndicat national des médecins de l'hôpital public) qui, dans l'objectif de redynamiser l'exercice hospitalier, militent pour la reconnaissance, y compris financière, des engagements particuliers des PH. Sa publication était en revanche redoutée par ses détracteurs – la CPH (Confédération des praticiens des hôpitaux) et l'Inph (Intersyndicat national des praticiens hospitaliers) –, qui, au fil des négociations, se sont désolidarisés de l'opération. L'arrêté, finalement, ne répond pas tout à fait aux espoirs des premiers mais provoque bel et bien la colère des seconds. Que dit le texte ? Qu'une part variable de rémunération «est accordée, par spécialité, aux équipes de praticiens nommés à titre permanent qui s'engagent par contrat passé avec le directeur de l'établissement et le responsable de pôle». Que cette part est liée à la tenue ou non d' «objectifs de qualité et (…) d'activité» définis chaque année – l'activité opératoire d'une équipe de chirurgie, par exemple, est «mesurée en nombre d'interventions et rapportée à l'effectif de l'équipe». L'arrêté précise que la part complémentaire variable «correspond à un pourcentage du montant annuel des émoluments (du PH) et varie dans les limites d'un plafond fixé à 15%». Que les chirurgiens ouvrent le bal, rétroactivement au 1er janvier 2007, et que les autres spécialités suivront selon un calendrier qui reste à préciser.
C'est là que les tenants de cette innovation (qui souhaitaient que non seulement les chirurgiens, mais aussi les psychiatres, bénéficient en premier lieu de cette part variable étendue au plus tard en 2008 aux autres disciplines) restent sans doute un peu sur leur faim.
La « casse » statutaire.
Les opposants, eux, ont réagi au quart de tour, criant tous à la « casse » du statut de praticien hospitalier.
«Beau cadeau de départ de M.Xavier Bertrand!», s'indigne l'Inph. Le syndicat dénonce «l'introduction d'une discrimination nette entre praticiens hospitaliers» et s'inquiète : «Tout est en place pour que l'on s'arrange localement entre copains et coquins en toute opacité.» Les contrats d'objectifs sur lesquels s'appuiera la part variable sont «totalement en opposition avec le code de déontologie médicale», accuse l'Inph, «le praticien hospitalier (va se trouver) totalement asservi au directeur de l'établissement et l'on peut se douter, à l'heure de la T2A [tarification à l'activité] , que ce sont bien les critères quantitatifs qui prendront le pas sur les critères qualitatifs». «Scandalisée», l'Amuf (Association des médecins urgentistes de France) n'est guère plus amène. On définit «les médecins comme des producteurs de soins auxquels des objectifs de productivité sont imposés afin qu'ils puissent éventuellement bénéficier d'un “bonus” de rémunération», s'alarme son président, le Dr Patrick Pelloux. L'urgentiste décrit ainsi l'avenir tracé par le couple part variable et T2A : il y aura, dit-il, «sélection des patients “rentables” et “concurrence” entre établissements et médecins». Quant aux anesthésistes du Snphar (Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs), ils évoquent tout bonnement un casus belli. La part variable est, pour eux, une «mesure discriminatoire qui instaure un apartheid entre les PH». Le collectif des médecins CGT promet, lui, une «riposte» d'ampleur à «ce mauvais coup» du ministère de la Santé.
* Arrêté sur www.legifrance.gouv.fr
Inégalités cachées
En théorie, à poste et ancienneté équivalents, tous les praticiens hospitaliers sont, au chapitre de leur rémunération, logés à la même enseigne – soit 70 000 euros bruts annuels en moyenne (1). Dans les faits, ce n'est pas exactement le cas.
Première entaille au dogme de l'égalité de traitement : le secteur privé à l'hôpital. S'il concerne d'abord les universitaires, il tente aussi les PH qui, de la même façon que les professeurs de médecine, peuvent légalement consacrer jusqu'à 20 % de leur temps à des consultations privées et utiliser des lits de leur service pour hospitaliser des malades personnels. Dans ce cadre, leurs honoraires, qui donnent lieu à redevance versée aux établissements, sont fixés par entente directe avec le patient.
La rémunération de la permanence des soins (gardes et astreintes) est, elle aussi, facteur d'« inégalités » entre les PH. Tout comme le sont les primes et les indemnités inventées au fil des années. A la prime de service public exclusif, que touchent les PH n'ayant pas d'activité libérale et qui représente 600 euros par an, s'ajoute la prime d'exercice multisite (quelque 5 000 euros annuels, versés à quelques centaines de praticiens), le paiement des plages additionnelles (rémunérant le travail effectué au-delà de 48 heures hebdomadaires)...
Dans le numéro de juillet de son magazine « Officiel Santé », le Dr François Aubart, président de la CMH (Coordination médicale hospitalière) et promoteur de la part variable complémentaire, s'était amusé à mesurer les écarts salariaux que pouvaient creuser les primes et les gardes. «Un jeune chef de clinique débutant sa carrière de praticien hospitalier sera intégré au troisième échelon, écrivait-il. S'il exerce uniquement en secteur public et qu'il prend six gardes sur place par mois, sa rémunération brute sera de 49500euros à laquelle s'ajoutent 5600euros d'indemnité de service public exclusif et 22800euros pour sa participation à la permanence des soins (...). Dans ce cas, sa rémunération brute se monte à 79200euros [dont 19 % de charges]. »
Au cas par cas, donc, le salaire des PH fluctue. Et certaines spécialités – à gardes (urgences, anesthésie...) ou plus sujettes que d'autres à l'exercice sur plusieurs établissements (psychiatrie) ou plus propice au secteur privé (cardiologie, chirurgie...) – sont mieux loties que d'autres.
(1) Au 1er échelon, un PH temps plein commence à 47 500 euros bruts annuels ; au 13e, il émarge à 86 400 euros.
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