AU DÉPART de l'Union, la santé n'était pas une priorité. Reconnaissons qu'elle ne l'est toujours pas. Ce qui n'empêche pas que des progrès importants ont été accomplis au fil des ans. De plus en plus, le Conseil, la Commission, le Parlement se penchent sur ces dossiers.
«Au départ, il y a une ambiguïté, commente Pascal Beau, grand connaisseur des dossiers européens, et directeur de l'hebdomadaire “Espace Social Européen”. On a pensé que ce problème, comme celui du travail, ou celui du dialogue social, devait demeurer du domaine national. Il y avait d'ailleurs une certaine pertinence à penser ainsi, à ne pas vouloir mêler l'Europe aux questions de protection sociale et d'assurance-maladie.»
Même si, aujourd'hui, les Etats hésitent encore à accepter une intrusion de l'Europe dans ces domaines, les choses ont évolué, commente Pascal Beau. «Les hauts fonctionnaires des Etats membres se concertent régulièrement, se voient souvent et ont construit cette Europe des experts. Leurs rencontres sont beaucoup moins absconses que celles des ministres de la Santé.»
Consultation.
En effet, l'Europe de la santé, ce n'est pas seulement la libre circulation des médecins acquise depuis 1975, ou celle des infirmières qui date de 1977, ni même la création essentielle et remarquable de l'Agence européenne du médicament à Londres en 1993. C'est aussi la possibilité pour les patients de se faire soigner, aujourd'hui et encore mieux demain, dans le pays qu'ils visitent ou dans lequel ils effectuent un déplacement professionnel.
Mais l'Europe veut aller plus loin : c'est dans ce contexte que la Commission européenne a lancé à la fin du mois de septembre 2006 une consultation très large sur la libre circulation des services de santé et les prestations transfrontalières. «Le choix communautaire, expliquait récemment le commissaire européen chargé de la santé, le Chypriote Markos Kyprianou, donne déjà aux patients le droit de se faire soigner à l'étranger lorsqu'ils sont en vacances ou en déplacement. Cependant, s'il s'agit d'un déplacement spécifique pour se faire soigner, il doit obtenir au préalable l'autorisation de ses autorités nationales.» L'objectif de la Commission et de Markos Kyprianou est d'organiser cette libre circulation des patients à travers les pays de l'Union, conformément à plusieurs arrêts de la Cour de justice européenne. Mais un certain nombre d'Etats, et la France n'est pas la moins réticente en ce domaine, ne sont guère enthousiasmés par cette idée. D'autant que l'élargissement de l'Europe à vingt-sept complique, là comme ailleurs, la situation. Etant donné le retard de certains pays vis-à-vis des membres « historiques » de l'Union, certains nouveaux adhérents pourraient choisir d'encourager leurs ressortissants à aller se faire soigner à l'étranger, plutôt que de moderniser leur système de santé. C'est ce que Pascal Beau appelle «le risque de dumping sanitaire». «Certains Etats pourraient être tentés, dit-il, de laisser dériver leur système de santé et de signer des accords avec des pays limitrophes pour la prise en charge leurs patients.» Ce qui irait à l'encontre de la philosophie même de l'Union européenne qui est de permettre aux Etats en situation difficile de se moderniser et de se mettre à niveau.
A noter cependant que l'Angleterre, dont on connaît les difficultés en matière de santé et l'état précaire de son NHS (National Health Service), a signé de tels accords pour les soins chirurgicaux avec la Belgique et la France. Nombre de patients anglais qui devraient attendre des mois pour se faire opérer chez eux se rendent dans des cliniques françaises ou belges pour subir une intervention.
Dans ces conditions, la directive que préparent la commission et le commissaire à la santé sur la libre circulation des services de santé et des prestations est très attendue. Elle pourrait soulever de vives réactions. Le texte devrait être prêt à la fin de l'année. Markos Kyprianou a déjà pris certaines précautions en affirmant qu'il n'était pas question de favoriser et d'encourager le tourisme médical, mais seulement de faciliter et d'encadrer la mobilité des patients. Reste à préciser la frontière exacte entre ces deux notions.
Contraintes budgétaires.
La volonté de l'Europe, c'est aussi de mettre en place une stratégie «cohérente et efficace» en matière de santé publique. C'est dans ce cadre que, en avril 2005, la Commission européenne a adopté un programme d'action communautaire dans le domaine de la santé et de la protection des consommateurs pour la période 2007-2013. Ses objectifs ont malheureusement été revus à la baisse puisque, d'un budget initial de 969 millions d'euros pour la santé, on est passé finalement à un budget de 365,6 millions d'euros, pour des raisons budgétaires. Ce programme poursuit trois buts principaux : améliorer la sécurité sanitaire des citoyens ; promouvoir la santé pour renforcer la protection et la solidarité ; diffuser des connaissances en matière de santé.
Enfin, on ne saurait oublier que la crise de la vache folle, celle de la dioxine, la lutte contre le sida, la lutte contre le cancer, le risques liés au sras et à la grippe aviaire ont fait l'objet d'une politique de coopération efficace au niveau européen et entre les Etats. «Un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en oeuvre des actions de la Communauté», affirme l'article 152 du traité de Rome. Une profession de foi qui a mis du temps à trouver confirmation dans la politique européenne mais les progrès de ces dernières années laissent espérer des lendemains plus riches. Même si, comme le dit un expert européen, la santé «dépend toujours essentiellement des politiques sanitaires des Etats membres».
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