LES CANDIDATS ONT ÉTÉ interpellés sur la crise du Darfour, et on en a tiré l'enseignement qu'elle « s'invitait » dans la campagne électorale. On peut rassurer les douze candidats officiels : ce n'est pas le Darfour, dont la plupart des Français ignoraient l'existence il y a trois ans, qui leur fera perdre l'élection présidentielle.
La région du Darfour est située au sud-ouest du Soudan, aux confins du Tchad. Elle est peuplée par des Noirs, par opposition aux ethnies arabes qui habitent le Nord et gouvernent le pays. Animistes ou chrétiens, les Noirs du sud se sont révoltés contre le pouvoir central, incapable de les traiter comme des concitoyens. La répression a été rude, le conflit s'est prolongé et des querelles de pouvoir ont divisé les insurgés. Khartoum ne sait faire régner l'ordre qu'en réprimant d'une manière aveugle. On compterait deux cent mille morts depuis le début de la guerre civile et deux millions de personnes déplacées, dont beaucoup sont maintenant au Tchad, qui commence à être déstabilisé.
L'ordre par le vide.
L'arme principale du gouvernement de Khartoum, c'est les Janjawids, des brigands de grand chemin constitués en une milice qui fait l'ordre par le vide, en assassinant des civils, en violant les femmes, en pillant les réfugiés.
La communauté internationale s'est émue de cette crise extrêmement grave ; l'Organisation de l'unité africaine maintient au Darfour environ quinze mille hommes débordés et inefficaces. Khartoum a refusé l'envoi de casques bleus. Les Etats-Unis sont mobilisés contre ce nouveau génocide depuis trois ans et l'ancien secrétaire d'Etat, Colin Powell, s'y est personnellement rendu en 2004, avant de lancer un appel urgent pour sauver la population du sud.
Les communautés juive et noire américaines sont les plus ardentes à défendre les droits des Soudanais du sud.
Où est le problème ? Il est dans l'hypocrisie des gouvernements occidentaux. Le pouvoir soudanais dit non à la force internationale et tout le monde se plie à son veto. Le président soudanais a été invité par Jacques Chirac au récent sommet franco-africain de Cannes, alors que, chaque jour qui passe, Khartoum a des centaines de morts à son actif.
Recours à la force ?
Pourquoi personne ne dit que le seul moyen de secourir les Soudanais victimes de leur propre gouvernement, ce sont les sanctions internationales ou même le recours à la force ? Pourquoi ce qui a été indispensable pour les Balkans n'est-il pas concevable pour le Soudan ? Pour au moins deux raisons : la première tient dans l'affaiblissement des Etats-Unis, dont les armées sont déployées partout dans le monde, en Irak, en Afghanistan, au Kosovo, en Corée, au Japon, et qui ne disposent pas des ressources humaines et financières pour se lancer dans une nouvelle aventure. La seconde, c'est la très mauvaise réputation que le conflit irakien a donnée au droit d'ingérence. Allez dire à George W. Bush, insulté par à peu près tous les pays de la Terre, qu'il doit voler au secours des Soudanais ! Il ne manque pas d'âmes admirables qui ont dénoncé la politique de force des Etats-Unis, même quand elle était destinée à abattre une dictature sanguinaire, et qui osent aujourd'hui critiquer l'inertie occidentale face au drame du Darfour.
ON NE VA TOUT DE MEME PAS INDISPOSER LE GOUVERNEMENT SOUDANAIS PARCE QU'IL COMMET UN G2NOCIDE!
Les gens très sélectifs sur les sujets qui les indignent ne manquent pas non plus : ils ont soutenu les Libanais bombardés et les Palestiniens réprimés, ils n'ont jamais eu un mot pour les Tchétchènes massacrés. Ils n'ont jamais accordé à Vladimir Poutine un centième de la hargne, de la rage et, pour tout dire, de la haine que leur inspire M. Bush qui, pourtant, ne fait pas assassiner les journalistes américains dans les cages d'escalier ; pas plus qu'ils n'ont dénoncé le chantage pétrolier que M. Poutine exerce en permanence sur les pays voisins de la Russie, alors qu'à leurs yeux M. Bush n'a envahi l'Irak que pour son pétrole.
Les mêmes, par conséquent, sont beaucoup plus indignés par le comportement d'Israël que par celui du Soudan ; comme, jadis, ils ne trouvaient pas excessives les exactions serbes en Bosnie musulmane ou encore, aujourd'hui, la répression russe en Tchétchénie. Dans un monde où chacun, à sa guise et au mépris des faits, peut désigner le bourreau de son choix à l'exclusion des autres, l'hypocrisie imprègne tous les jugements comme l'humidité la forêt tropicale. Elle permet en effet de défendre les causes que l'on aime et de salir les autres : on ne va tout de même pas indisposer un gouvernement arabe sous le prétexte qu'il martyrise un peuple africain !
Si l'on poussait la caricature, on dirait que Castro et Chavez sont quand même de meilleurs présidents que M. Bush, que M. Ahmadinejad, qui ne peut jamais prendre son petit déjeuner sans avoir annoncé la disparition d'Israël, est un homme beaucoup plus convenable que M. Olmert, que Robert Mugabe est un bienfait pour le Zimbabwe, que le Hamas est un parangon de démocratie et, bien entendu, que, s'il n'y a pas de paix au Proche-Orient, ce ne peut être la faute des Palestiniens, qui la réclament tous les jours, tout en bombardant Israël de roquettes chaque soir.
Voilà pourquoi, pour notre part, nous avons préféré jusqu'à présent garder pour nous les protestations véhémentes que nous inspirait le Soudan. Mais maintenant qu'il est évoqué dans la campagne…
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