L'ACCÈS UNIVERSEL aux traitements, aux soins et aux services d'appui, est aujourd'hui considéré comme le seul moyen de contrôler l'épidémie de sida et ses conséquences sur les individus et les sociétés. En 2006, les Etats membres de l'Organisation des nations unies (ONU) se sont d'ailleurs engagés à atteindre cet objectif d'ici à 2010. Or le cadre de financement du système santé dans les pays en développement a été fixé par l'initiative Bamako (IB) qui, en 1987, a consacré la participation financière des usagers de santé. Le modèle devait permettre de surmonter les échecs des politiques internationales de santé antérieures, qui reposaient sur un accès gratuit et universel aux soins de base. Une stratégie fixée par la conférence d'Alma Ata (1978), qui s'était soldé par l'accès à des soins certes gratuits, mais dans des centres de santé dépourvus de médicaments.
En instaurant une contribution directe des patients, l'IB a permis aux centres de santé de disposer de financements propres. En contrepartie, les usagers ont obtenu le droit de participer à la gestion des centres.
«Au moment de la mise en place de l'IB, peu de personnes mesuraient l'étendue de l'épidémie d'infection par le VIH dans les PED, notamment en Afrique subsaharienne», explique aujourd'hui le Conseil national du sida. Une épidémie qui touche 38 millions de personnes dans le monde, dont 24 millions dans cette région du monde, avec des conséquences dramatiques sur l'espérance de vie, qui est passée de 62 à 43 ans, sur les structures familiales, les réseaux sociaux et l'économie. La réduction du taux de croissance du PIB peut atteindre jusqu'à 3 % ; au niveau des entreprises, l'impact correspondrait à une taxe de 6 % de la masse salariale. Pour les familles, le paiement direct du bien de santé est d'autant plus un obstacle que la dépense de santé moyenne maximale par famille, estimée à 100 euros par an pour l'ensemble des membres, est dans le cas d'une infection à VIH, de 150 euros par an pour une seule personne et uniquement pour le traitement. Elle est de 400 euros pour la prise en charge totale.
Défi du financement.
«Dès lors, la gratuité de la prise en charge apparaît comme la seule solution pour atteindre l'objectif de l'accès universel», affirme le CNS. Cependant, elle se heurte au défi du financement. Pour l'ensemble de la lutte contre l'épidémie, les ressources disponibles ont été estimées à 10 milliards de dollars en 2008 pour des besoins évalués à 22 milliards. Le Pr Willy Rozenbaum l'avait annoncé au « Quotidien » (édition du 1er décembre 2006) : depuis plus d'un an, le CNS travaille sur ce problème du financement des soins dans les PED. La commission internationale a auditionné une trentaine d'acteurs de la lutte contre le sida. Le résultat est un document de plus de 60 pages qui défend l'intérêt de la gratuité et avance des pistes pour son financement.
Le rapport a fait l'objet d'un avis suivi de recommandations, adopté en séance plénière le 15 février dernier et rendu public à la veille de la conférence sur la couverture du risque maladie dans les PED, qui s'achève aujourd'hui.
Le CNS y souligne que «l'infection par le VIH est une infection durable, mais avec laquelle il est possible de vivre» et que les défis auxquels font face les PED sont «aussi ceux des pays développés».
La gratuité des soins y est donc fortement affirmée : les services offerts gratuitement aux personnes doivent constituer un ensemble cohérent qui ne se limite pas à la délivrance des traitements, mais au dépistage, au diagnostic, au suivi et donc à une prise en charge globale. La gratuité de la prise en charge du VIH/sida doit bénéficier à l'ensemble du système de santé. De ce point de vue, une mise en concurrence des pathologies serait «stérile». Les réponses apportées à la lutte contre le VIH devraient pouvoir être adaptées aux autres pathologies, notamment les flux financiers du VIH doivent servir de levier pour renforcer les systèmes de santé. L'avis se prononce pour un financement pérenne de la gratuité. Des mécanismes, comme Unitaid ou l'International Finance Facility (IFF), «doivent permettre d'assurer (une) mise en oeuvre immédiate».
Le CNS demande aussi que la France défende l'idée de la gratuité au niveau des institutions européennes et au sein des organisations internationales et apporte un appui technique aux pays, notamment par le biais de l'aide bilatérale.
L'appui au développement d'une assurance-maladie lui semble un mécanisme utile mais dans une perspective trop lointaine compte tenu de l'urgence de la lutte contre le sida. La microassurance est un moyen d'accroître rapidement l'expertise de la société dans la négociation de l'offre de soins, mais elle ne permet pas de financer la prise en charge du sida. Le développement de fonds d'achats - caisse qui permet de payer les factures des prestataires de soins -, tels qu'ils sont mis en oeuvre dans certains pays, comme le Sénégal, semble être une solution plus rapide pour financer la gratuité.
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