C'EST ENTENDU : la santé, préoccupation majeure des Français, est reléguée au deuxième plan de cette campagne. Et les programmes des candidats dans ce domaine ont souvent du mal à dépasser les généralités. Pourtant, invités à décliner leur projet santé pour le quinquennat (1), les représentants de cinq postulants à l'Elysée (François Bayrou, Marie-Georges Buffet, Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy et Dominique Voynet) ont montré qu'il existe de fortes divergences – parfois des choix de société – sur les grands dossiers (financement de la protection sociale par exemple), avec aussi quelques points d'ancrage communs : la volonté de régionaliser davantage, de développer les modes d'exercice groupé en ville et de donner du souffle à la prévention.
Avec 4 milliards d'euros de déficit pour la branche maladie en 2007 et des dépenses qui ont vocation à augmenter, la question des recettes semble inéluctable. André Cicolella, secrétaire national à la santé des Verts, toxicologue, suggère d' «étendre la CSG aux profits financiers» . Au nom du PC, Jean-Luc Gibelin, directeur d'hôpital, plaide pour une réforme drastique du financement : les «ratios» de cotisations entre masse salariale et valeur ajoutée seraient inversés, le principe étant de favoriser les embauches et la formation et de surtaxer la valeur ajoutée. L'UDF entend «basculer» les cotisations patronales vers la TVA sociale . Le PS et l'UMP se montrent prudents. Jean-Marie Le Guen, député socialiste de Paris, souligne qu'il «n'y a pas de recette miracle», même si l'Etat doit mieux préserver le budgetde la Sécu en commençant par lui payer sa dette (environ six milliards d'euros). «Nous souhaitons un rééquilibrage entre le capital et le travail», glisse-t-il tout de même. Quant à Philippe Juvin, monsieur « santé » de Nicolas Sarkozy, il affirme qu'une organisation plus performante du système de distribution des soins ( «des marges considérables existent à l'hôpital») et une gestion plus efficace des ressources (jusqu'à «15%» de mieux) répondraient déjà en partie à la question des ressources.
Santé : vive la région !
Chacun dans son registre défend l'approche régionale de la santé. L'UDF a ici le privilège de l'antériorité. Le centriste Jean-Luc Préel défend une «vraie décentralisation» (avec des conseils régionaux de santé gérant des objectifs régionaux de santé, également un numerus clausus régional par spécialités…), alors que le représentant UMP mise sur un système «déconcentré» qui confierait aux ARS (agences régionales de santé) l'hôpital, la coordination avec la médecine de ville, les réseaux, une partie du médico-social, la permanence des soins et la gestion des flux à la «sortie» des études universitaires.
Dans un autre registre, la promotion d'un exercice groupé en médecine de ville fait recette à droite comme à gauche. Jean-Marie Le Guen (PS) ressuscite les «dispensaires» avec des professionnels à statut différent, salarié ou libéral, et une approche «pragmatique». André Cicolella loue les vertus des «Maisons de santé» à l'instar de celle visitée récemment par Dominique Voynet à Saint-Amand- en-Puisaye (Nièvre).Quant à Philippe Juvin, pour Nicolas Sarkozy, il précise qu'il s'agit d'encourager le «regroupement de professionnels libéraux» et non pas la création de centres de santé et le salariat.
De nombreuses questions roulent sur la réforme 2004 de l'assurance-maladie, donnant lieu à des interventions plus convenues. Jean-Luc Préel (UDF) tonne contre le transfert de la dette sur les générations futures et la «complexité folle» des parcours de soins ; Jean-Marie Le Guen (PS) estime que «rien n'a été réglé, ni le déficit ni l'organisation», fustige la «vision clientéliste de la santé» du gouvernementet met en garde contre le projet UMP de franchise.Philippe Juvin ironise contre l'esprit de «caricature» de ses concurrents et défend les acquis : les progrès de l'accréditation, le dispositif du médecin traitant qui «structure» les soins et la diminution du déficit de l'assurance-maladie.
Quelles priorités pour demain ?
L'objectif de l'UMP au cours du quinquennat sera «le retour à l'équilibre». Les Verts appellent de leurs voeux une «maîtrise sanitaire» qui se mobilisera contre «l'épidémie de maladies chroniques» (diabète, cancers, obésité…). Jean-Luc Gibelin (PC) fixe un cap un brin révolutionnaire : «Le remboursement à 100% pour tout le monde.» Et, foi de Jean-Marie Le Guen, si Ségolène Royal l'emporte, la santé «sera le sujet prioritaire du prochain quinquennat».
(1) XIes Auditions de la santé, en partenariat avec « le Quotidien du Médecin ». « Santé et assurance-maladie : après 2007, penser et agir autrement ? »
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