L'OBSERVATOIRE DE LA SÉCURITÉ des médecins (OSM) vient de rédiger la synthèse des déclarations d'incidents répertoriées en 2006. L'instance, fondée en 2003 par le Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom), a recensé, avec l'institut Ipsos, 518 incidents l'année dernière (1). Un résultat en net recul, puisque 639 agressions avaient été enregistrées en 2005. L'OSM observe que c'est au cours du premier et du deuxième trimestre que le nombre d'incidents a été le plus élevé, avec 147 déclarations pour chacune de ces deux périodes, pour décroître au troisième (99 déclarations) et au quatrième (119) trimestre. Ces chiffres sont à prendre avec des pincettes puisqu'ils reposent sur les déclarations des médecins. Toutefois, le Dr Michel Legmann, vice-président du Cnom et coordonnateur du comité de pilotage pour la sécurité des médecins, veut voir dans ces résultats l'effet du travail mené depuis quatre ans par l'Ordre et l'Observatoire pour une meilleure prévention des incidents : «La police nationale, le ministère de l'Intérieur et la gendarmerie travaillent en étroite collaboration avec l'Observatoire et des postes de correspondant pour des professionnels de santé ont été créés dans les commissariats de police. Tout cela incite les praticiens à déclarer toutes les agressions dont ils peuvent être victimes.»
Les généralistes, premières cibles.
Les trois quarts des incidents enregistrés l'an dernier ont eu lieu dans le cadre d'un exercice de médecine de ville. L'OSM observe une surreprésentation des généralistes au rang des victimes des incidents. En effet, les omnipraticiens, qui représentent en France 51 % de l'ensemble des médecins, sont à l'origine de 60 % des fiches de déclaration d'incident. Chez les médecins spécialistes, les psychiatres (26 déclarations), les gynécologues-obstétriciens (23) et les ophtalmologistes (22) sont les trois professions les plus concernées depuis 2003. D'autres spécialités atteignent des niveaux comparables en 2006 : les dermatologues (20) et les radiologues (17).
Moins d'agressions verbales, plus de vols.
Quoique répertoriée parmi les délits pouvant donner lieu à un dépôt de plainte depuis la loi Sarkozy de 2002, l'agression verbale reste l'incident le plus fréquemment observé en 2006, avec 201 déclarations de praticiens. Le plus souvent, elle concerne un patient et le médecin (112 cas). De nombreuses agressions verbales sont également répertoriées entre une personne accompagnant le patient et le médecin (50 cas) ou entre un patient et un collaborateur du médecin (39 cas). Au total, comme le montre le tableau ci-dessous, les agressions verbales représentent 39 % de l'ensemble des incidents déclarés, contre 50 % en 2005. Si les agressions verbales régressent, les vols ou tentatives de vols progressent, avec 151 déclarations, représentant 29 % des incidents – soit une hausse de six points par rapport aux chiffres de 2005.
L'Observatoire recense par ailleurs 73 agressions physiques contre 89 déclarées en 2005. Il relève de nombreux actes de vandalisme ayant eu lieu au cabinet du médecin (27) et sur son véhicule (20).
Pas d'élément déclencheur dans 28% des cas.
Dans 12 % des cas, l'élément déclencheur des incidents est un temps d'attente jugé excessif par les patients. Ce motif est, d'après les médecins, à l'origine du plus grand nombre d'incidents. Cette cause se situe désormais sensiblement devant les autres habituellement évoquées : le refus de prescription (5 %), un reproche relatif à un traitement (5 %) ou le refus de certificat médical ou d'arrêt de travail (5 %). Dans plus d'un quart des fiches renseignées (28 %), il n'y a pas eu, de l'avis du médecin, d'élément déclencheur de l'incident.
Près de 40% des incidents sans suite.
Presque un incident sur dix a occasionné une interruption temporaire de travail (ITT) pour le médecin ou pour quelqu'un travaillant avec lui. Le nombre d'incidents ayant donné lieu à une action juridique de la part du médecin est en augmentation. Dix pour cent des incidents enregistrés ont entraîné une plainte avec constitution de partie civile. Cette proportion est, comme les années précédentes, sensiblement plus élevée dans le cas d'un vol ou d'une agression physique. Mais 151 incidents, soit 29 % du total, ont fait l'objet d'un dépôt de plainte sans constitution de partie civile, confirmant la hausse déjà enregistrée en 2004 et 2005. Dans 16 % des cas, le médecin a déposé une simple main courante. Une bonne partie des incidents (39 %) n'a toutefois donné lieu à aucune action du médecin. «Les médecins ne portent pas plainte traditionnellement; ce n'est pas dans leurs habitudes, commente le Dr Legmann. Certains, d'ailleurs, ont peur des représailles de leur agresseur. C'est pour cette raison que les conseils départementaux se portent de plus en plus partie civile en lieu et place des médecins agressés pour que les procédures aillent à leur terme.»
Récemment, une procédure d'urgence menée par le conseil départemental de Seine-Saint-Denis a entraîné la condamnation d'un agresseur à deux mois de prison ferme. Cela n'empêche pas la Seine-Saint-Denis de figurer en tête des départements où les déclarations d'incident ont été les plus nombreuses (54), devant le Val-d'Oise (34), le Nord (31), l'Isère (23), les Hauts-de-Seine (21) et le Val-de-Marne (21).
(1) Un médecin qui est victime d'un incident ou d'une agression peut le déclarer au Cnom via un avis de déclaration sur les bulletins du Cnom ou sur son site Internet. Le Cnom centralise les formulaires et répond en temps réel aux médecins. L'institut Ipsos analyse les résultats du trimestre écoulé et rédige un rapport statistique annuel.
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