«DEPUIS que je me suis fait poser une prothèse auditive, j'ai repris confiance en moi. Je n'ai plus peur d'être incomprise», raconte Paulette, porteuse d'un implant cochléaire depuis quelques années. L'invention permettant de recouvrer l'ouïe chez des personnes atteintes de surdité sévère ou profonde a fait l'effet d'une bombe, il y a cinquante ans. Alors que, auparavant, seules les prothèses auditives externes, réalisant une amplification des sons, apportaient une solution à des formes de surdité légère, c'est au fil des années que l'implant cochléaire, grâce à de nombreuses améliorations, s'est imposé comme la solution venant rompre le silence autour des personnes malentendantes. «Une solution encore malheureusement peu connue, pour les six millions de Français souffrant de troubles de l'audition», estime Martine Smadja, directrice de l'Ific.
Diagnostiquer la surdité dès le plus jeune âge.
Chaque année, 1 500 nouveaux cas de surdité sévère ou profonde seraient diagnostiqués chez les enfants, selon le ministère de la Santé, avec plus de la moitié atteints dès la naissance. «Pourtant, moins d'un tiers de ces enfants bénéficient d'un implant cochléaire», regrette le Pr Bernard Meyer, chef du service d'ORL à l'hôpital Saint-Antoine, à Paris. L'opération, envisageable avant l'âge de 12 mois, permet des résultats meilleurs lorsqu'elle est pratiquée très jeune. Elle favorise l'apprentissage de la parole et nécessite par la suite le suivi pendant deux ans par une orthophoniste. Laquelle accompagne l'enfant dans son développement oral et l'aide à se repérer dans un univers sonore encore inconnu. «Un travail de plusieurs heures par semaine, qui demande l'investissement aussi bien de l'enfant que de sa famille, explique cette maman, membre de l'association Cochlée Ile-de-France, qui regroupe les parents d'enfants sourds implantés. Mais les résultats sont fulgurants.»
Sur la voie de l'amélioration.
Contrairement aux simples appareils auditifs servant à amplifier le son environnant de la personne malentendante, l'implant cochléaire vient remplacer une cochlée défectueuse. Il joue le rôle de cet outil essentiel pour analyser l'intensité et les différents sons provenant jusqu'à l'oreille. «Avec cette prothèse auditive, les sons ne se mélangent plus, comme avec mon ancienne prothèse, explique Jeanne, bonne-soeur soumise aux chants religieux plusieurs fois par jour. Au début, j'entendais comme des cloches, un son métallique. Et l'écoute m'était presque pénible. Aujourd'hui, je me sens très à l'aise avec cet appareil, qui me rend totalement libre de faire ce que je veux.»
Composé d'un porte-électrodes implanté dans l'oreille interne, d'une antenne et d'un stimulateur sous le cuir chevelu, l'implant cochléaire capte les sons, analysés, puis transmis au nerf auditif. Cette invention particulièrement efficace depuis vingt-cinq ans ne cesse d'être améliorée, notamment grâce à sa miniaturisation et à une qualité du traitement du son grandissante. «Cependant, nous ne pouvons pas garantir un résultat positif à 100% aux personnes désireuses de subir cette opération, rappelle Martine Smadja. L'adaptation à l'appareil est propre à chaque individu et plus ou moins longue.» Un bilan médical est évidemment pratiqué avant toute intervention afin de s'assurer de la motivation du patient qui envisage cette démarche à vie. L'implant est pour cette raison garanti dix ans et il faut réenvisager une intervention pour la partie extérieure au bout de trois ans. Cela représente évidemment un coût, à prendre en compte par le patient désireux de subir une telle intervention. Et un suivi, proposé par l'Ific, seul réseau ville-hôpital de ce genre existant actuellement en France.
L'effet tampon de l'Ific.
A la sortie de l'hôpital, c'est une nouvelle vie qui se présente à la personne implantée. Comment fréquenter à nouveau les lieux publics ? Regarder la télévision ? Utiliser un téléphone portable ? S'entendre avec son conjoint ? Une nouvelle vie pas toujours facile à gérer. C'est pour cela que l'Ific propose gratuitement aux personnes implantées de «venir participer à des groupes de parole en présence d'un psychologue, afin d'échanger expériences, doutes et angoisses auxquels sont parfois confrontées les personnes nouvellement implantées», raconte la directrice de l'institut, labellisé récemment par l'agence régionale de l'hospitalisation. Par souci d'efficacité et aussi de liberté pour le patient implanté, l'Ific a également mis au point un système d'échange d'informations concernant chaque patient entre les différents services concernés. Chaque adhérent se voit également remettre une clé USB contenant les informations relatives à son cas, ainsi que des conseils à suivre dans certaines situations du quotidien, plus délicates. «Dans l'ensemble, la plupart des personnes implantées ne présentent pas de problèmes majeurs, suite à l'intervention chirurgicale. C'est en général une réussite, signale Martine Smadja. Il est simplement regrettable que l'implant cochléaire ne soit pas plus pratiqué.» L'une des raisons en est le coût : 30 000 euros pour l'appareil et l'opération, entièrement pris en charge par la Sécurité sociale. De 300 à 400 euros à la charge du patient pour l'assurance et l'entretien de l'appareil.
Aux Etats-Unis, certains chercheurs avancent comme argument supplémentaire en faveur de l'implant cochléaire l'idée d'économie : pratiqué dès le plus jeune âge, il permettrait d'économiser plus de 50 000 dollars, sur l'ensemble de l'existence du bénéficiaire.
Informations : www.implant-ific.org.
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