LE CONTINENT africain est, de loin, le plus touché par les maladies telles que le sida et le paludisme et les défis qu’il doit relever sont colossaux : systèmes de santé précaires et fragmentés, ressources insuffisantes, accès limité aux technologies et services de santé existants, mauvaise gestion des ressources humaines, situations d’urgence du fait de catastrophes naturelles ou de guerres, extrême pauvreté. Cependant les perspectives ne sont pas toutes sombres. «Les signes existent partout à travers le continent: l’Afrique trouve des solutions africaines à ses problèmes de santé», souligne l’OMS, qui rend public un rapport sur la santé en Afrique, en ouverture de la Conférence internationale sur la santé communautaire.
738 millions de personnes.
C’est le premier rapport consacré à la santé des 738 millions de personnes qui vivent dans les 46 Etats membres de la région Afrique (n’y figurent pas le Maroc, la Tunisie, la Libye, l’Egypte, le Soudan, Djibouti et la Somalie). Il établit une évaluation de la situation sanitaire du continent et met l’accent sur les succès récents obtenus dans certaines zones. Les effets dévastateurs du VIH/sida, du paludisme et de la tuberculose ne sont plus à souligner. Mais si la région concentre 60 % des personnes infectées par le VIH, alors qu’elle ne représente que 11 % de la population mondiale, le traitement antirétroviral commence à se généraliser et «plus de 800000Africains reçoivent désormais des ARV, soit huit fois plus qu’à la fin de 2003». En Ouganda, par exemple, 50 % des patients sont désormais traités grâce à un programme innovant de formation des infirmières à des compétences réservées aux médecins, alors que les aides-soignants accomplissent des gestes infirmiers. Contre le paludisme (90 % des 300-500 millions de cas dans le monde), 33 des 42 pays d’endémie ont adopté les traitements combinés à base d’artémisinine, le traitement aujourd’hui le plus efficace. Pour ce qui est de la tuberculose, il reste des progrès à accomplir, notamment en recherche-développement pour trouver des médicaments plus performants.
Le contrôle de la dracunculose, parasitose due au ver de Guinée, dont le nombre de cas a diminué de 97 % depuis 1986 grâce aux filtrages de l’eau, est salué comme une victoire, même si des cas subsistent au Nigeria. Même chose pour la lèpre, avec une baisse de 90 % du nombre de cas en 20 ans et seulement 7 pays qui n’ont pas atteint l’objectif d’élimination (moins d’un cas pour 100 000 habitants). Le programme contre l’oncocercose, ou cécité des rivières, mis en place en 1974, a permis de libérer 1,2 million de km2 au moyen de larvicides chimiques et biologiques ; il se poursuit par un traitement de masse par l’ivermectine (34 millions de personnes traitées dans 16 pays).
La lutte contre la poliomyélite doit être rangée du côté positif du bilan, même si la situation est en recul par rapport à 2003, en raison des problèmes de vaccination particuliers au Nigeria (arrêtée pendant 11 mois, elle a repris en 2004) et des flambées épidémiques survenues en Angola, au Cap-Vert et en République démocratique du Congo.
L’espérance de vie en baisse.
En revanche, la santé de la mère et du nouveau-né, qui était en amélioration dans les années 1970 et 1980 s’est dégradée au début des années 1990, en raison notamment de l’épidémie de VIH/sida et des conflits armés. L’espérance de vie, qui s’était élevée de 45 ans en 1970 à 49,2 ans à la fin des années 1980, est retombée à 47 ans pendant les années 1990. Mais une reprise est à attendre. Au Mali, 35 des 57 centres de santé du pays disposent maintenant d’une équipe entraînée aux soins obstétricaux, à la pratique des césariennes d’urgence et à la prise en charge du nouveau-né, ce qui profite désormais à des milliers de femmes.
Et si les maladies non transmissibles (diabète, maladies cardio-vasculaires, santé mentale...) et les traumatismes gagnent du terrain (27 % de la charge totale de morbidité), les pays africains peuvent encore agir – et doivent le faire vite, «afin d’éviter les erreurs des pays riches et industrialisés». Une des clés du problème reste, selon le rapport, le renforcement des systèmes de santé. Des exemples comme celui de l’Afrique du Sud, avec le train de la santé, qui permet à de jeunes médecins et à des étudiants de se rendre dans les zones rurales qui n’ont aucun accès à des services médicaux, doivent être multipliés.
«Nous connaissons les méthodes de prévention, de diagnostic et de traitement indispensables et nous savons lesquelles donnent de bons résultats en Afrique», souligne le Dr Luis Gomes Sambo, directeur régional. Il ne peut y avoir de développement économique sans une amélioration de la santé des personnes. Et cela ne peut se faire sans des investissements importants. Plus de moyens, une aide mieux coordonnée, et utilisée de façon responsable au profit des Africains, tel est le pari que doivent relever les gouvernements africains, mais aussi leurs partenaires internationaux. «La nécessité d’investir davantage en faveur de la santé n’est pas seulement un impératif moral visant l’atténuation des souffrances et le respect du droit fondamental à la santé», mais, dans un contexte d’interdépendance et de mondialisation, «elle s’impose aussi d’un point de vue économique».
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