CHAQUE ANNÉE, aux Etats-Unis, 1,4 million de nouveaux cancers sont diagnostiqués, 570 000 personnes touchées en meurent et 1 700 autres se suicident. En analysant 1,3 million de cancers diagnostiqués entre 1973 et 2001 et répertoriés dans la base Seer (Surveillance, Epidemiology and End Results), le Dr W. S. Kendal (radiothérapeute, centre régional du cancer, hôpital d’Ottawa) trouve un taux de suicide deux fois supérieur à celui de la population générale : 24/00 000 par an contre 10,6.
Comme dans la population générale, chez les patients atteints de cancer, les hommes sont beaucoup plus à risque, avec 19 suicides pour 1 000 malades, contre 4 pour les femmes. En outre, les hommes se suicident surtout après le diagnostic, alors qu’aucune période plus à risque qu’une autre n’a été identifiée chez les femmes.
Le risque de suicide varie selon beaucoup d’autres facteurs que le sexe : le mauvais pronostic, la présence de métastases, le stade avancé, la perspective d’une qualité de vie très compromise (comme dans les cancers ORL), bien sûr. Mais pas seulement.
Le Dr Kendal s’essaie au portrait-robot du patient cancéreux le plus à risque : «Ce serait un veuf, blanc, chez qui vient d’être diagnostiqué un cancer de la tête et du cou ou un myélome multiple, avec un cancer disséminé et peut-être de haut grade ou des antécédents d’autres cancers. A l’inverse, un malade à moindre risque serait une femme d’origine afro-américaine, avec un cancer colo-rectal ou du col et qui vit en couple.»
Le mariage est en effet protecteur, comme dans d’autres cas : il diminue le risque de suicide de moitié chez les hommes et d’un tiers chez les femmes.
Bien que de mauvais pronostic, le cancer du pancréas ne semble pas entraîner un plus grand risque de suicide. Pas plus que le refus par le patient d’un traitement chirurgical ou radiothérapique, alors que c’est le contraire si la chirurgie est jugée contre-indiquée dans son cas. Un traitement agressif n’augmente pas le risque, même s’il annonce des pertes fonctionnelles importantes. Même chez les personnes atteintes d’un cancer ORL, une approche agressive peut d’ailleurs entraîner une amélioration de l’état émotionnel et de la qualité de vie.
Le Dr Kendal reconnaît que «les conclusions sur les facteurs de risques ne peuvent être que des spéculations». Quoi qu’il en soit, conclut-il, «il faut faire passer le message aux médecins, aux infirmières et aux travailleurs sociaux qu’ils doivent être attentifs au risque de suicide de leurs patients cancéreux et que, peut-être, en leur apportant, ainsi qu’à leur famille, un soutien plus grand et un meilleur contrôle des symptômes, nous pourrons nourrir leur désir de continuer à vivre».
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