LA TOXOPLASMOSE due à Toxoplasma gondii est fréquente en France : 50 % environ de la population adulte est infectée et on estime que de 200 000 à 300 000 infections surviennent chaque année, dont 2 700 chez les femmes enceintes. Le risque de transmission foetale est important et on recense 600 cas de toxoplasmose congénitale par an, dont 175 avec des séquelles. La gravité de l’infection est aussi liée au risque différé de réactivation d’une infection antérieurement acquise sous l’effet d’une immunodépression : le nombre de cas de toxoplasmoses cérébrales survenant chez les patients infectés par le VIH reste proche de 200 par an.
Comment expliquer ce bilan alors que le dépistage a été institué chez les femmes enceintes et recommandé chez les immunodéprimés, que les premières reçoivent une information sur les mesures hygiénodiététiques à respecter et que les seconds bénéficient d’une chimioprophylaxie ? L’Afssa a constitué un groupe de travail multidisciplinaire, présidé par Francis Derouin (faculté de médecine, Paris-VII) et réunissant des médecins parasitologues, une infectiologue, un vétérinaire parasitologue, une épidémiologiste et une représentante de la Direction générale de la santé. Après avoir examiné la littérature, les données expérimentales et épidémiologiques, les experts ont rédigé un rapport* dans lequel ils font plusieurs recommandations.
Il faut tout d’abord, selon eux, mieux évaluer le niveau de contamination par T. gondii des aliments et de l’eau, ce qui passe par le développement de techniques sensibles de détection des parasites dans les matrices alimentaires et dans l’environnement et par la mise en place de plans d’échantillonnage.
La deuxième priorité est de mettre en place une démarche d’appréciation quantitative du risque centrée sur l’évaluation de l’impact de la consommation d’aliments potentiellement contaminés sur l’incidence de la toxoplasmose chez la femme enceinte et de la toxoplasmose congénitale (étude de la relation dose-infection et dose-maladie en fonction des génotypes parasitaires et quantification de la charge parasitaire dans les aliments contaminés).
Une information officielle et mise à jour.
Enfin, et surtout, selon le rapport, il faut améliorer l’information sur la toxoplasmose et sa prévention, dans l’attente des vaccins ADN qui pourraient apporter d’importants progrès. Les mesures préventives portant sur la cuisson de la viande, l’hygiène des mains, le lavage des crudités et les précautions en manipulant la litière des chats «sont essentielles et doivent être maintenues». On peut y ajouter la surgélation de la viande et les recommandations de limiter la consommation des crudités en dehors du domicile et de ne pas consommer des mollusques crus. En revanche, en l’état actuel des connaissances, aucune mesure concernant l’eau de boisson n’apparaît justifiée.
Du côté de l’information, le rapport constate, à côté des recommandations hygiénodiététiques officielles – dont on ignore comment elles sont relayées et appliquées –, la cohabitation de nombreuses recommandations non officielles et pas toujours scientifiquement étayées. Il souhaite un effort d’information auprès des femmes, avec des recommandations «officielles, régulièrement mises à jour et présentées de façon compréhensible et attractive, utilisant des supports d’information modernes». L’impact de ces recommandations devra être évalué. Les études réalisées jusqu’alors en la matière ne sont guère concluantes. Et une étude récente, réalisée en France auprès de 3 000 femmes enceintes, ne semble pas confirmer l’efficacité d’un programme d’information : si les modes de contamination et de prévention étaient connus de la plupart des participantes, leur application restait faible et la modification des comportements n’était pas liée au fait d’avoir reçu ou non une information spécifique en début de grossesse. D’où l’intérêt «d’une initiative nationale, concertée entre les différents professionnels de santé en charge de la prévention des infections congénitales».
* Disponible sur le site de l’Afssa : www.afssa.fr.
Le risque professionnel
Dans le cadre professionnel, la toxoplasmose ne représente un risque infectieux important que pour les personnels travaillant dans les laboratoires et directement exposés aux parasites, ce qui justifie l’interdiction stricte de toute manipulation de T.gondii par des femmes enceintes séronégatives. Pour les autres professionnels de santé, le risque est moindre mais doit être prévenu par l’application des mesures d’hygiène de base recommandées pour tous les risques infectieux. Pour les autres professions, dans l’agroalimentaire notamment, seules sont recommandées les mesures d’hygiène habituelles (lavage des mains en particulier).
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