«L’HISTOIRE de la tuberculose est l’histoire d’une faillite aussi bien dans le domaine scientifique que médical ou politique.» Le commentaire associé aux différents articles que consacre le « Lancet » du 18 mars à la tuberculose est explicite. Alimuddin Zumla et Zoë Mullan, ses auteurs, affirment sans détours : «Lorsque l’Organisation mondiale de la santé a déclaré en 1993 que la maladie était une urgence mondiale, la réponse de la communauté internationale a été lente et inadaptée.» Aujourd’hui, le constat est là : la tuberculose continue de tuer près de deux millions de personnes chaque année dans le monde et les problèmes s’accumulent : émergence de bacilles multirésistants, effets dévastateurs des coïnfections avec le VIH, surtout en Afrique. Une action plus efficace et mieux coordonnée semble aujourd’hui nécessaire. La journée mondiale du 24 mars, date anniversaire de la découverte du bacille par le chercheur allemand, le Dr Robert Koch (le 24 mars 1882), est, pour les experts, l’occasion de dresser un bilan de la lutte, avec ses progrès et ses limites.
La majorité des malades en Asie.
Les observations des différents experts sollicités par la revue corroborent celles déjà faites en janvier dernier par le partenariat Halte à la tuberculose* au moment du lancement du Plan mondial contre la tuberculose (« le Quotidien du 30 janvier). Christopher Dye (OMS) explique que si l’Afrique est le continent qui enregistre le taux d’incidence le plus élevé (356 nouveaux cas pour 100 000 habitants chaque année), «la majorité des malades vivent dans les régions surpeuplées d’Asie, au Bangladesh, en Chine, en Inde, en Indonésie ou au Pakistan». En Afrique, où 34 % des nouveaux diagnostics sont réalisés chez des personnes également infectées par le VIH, le taux d’incidence élevé est sans doute en rapport avec l’infection à VIH. Il devient urgent de mieux coordonner les programmes de lutte contre les deux épidémies, même si Christopher Dye explique qu’il faudra, «dans les années à venir, être plus attentifs aux relations entre la tuberculose et les maladies chroniques comme le diabète, la malnutrition et les maladies respiratoires dues au tabac ou à la pollution».
La recherche tant du point de vue des outils diagnostiques que du traitement ou de la prévention vaccinale est une des priorités affirmées dans le plan. Contrairement aux objectifs énoncés lors de l’Assemblée de l’OMS en 1991 – dépister 70 % des cas et traiter 85 % –, «seulement 45% des malades sont diagnostiqués», affirment Philippe Onyebujah, William Rodriguez et Peter Mwaba (OMS, Harvard et université de Zambie).
L’examen microscopique des crachats, développé dans les années 1880, reste toujours l’examen de référence alors qu’il est peu sensible et peu spécifique. De nouveaux outils de diagnostic simples d’emploi sont indispensables et peu coûteux. En 2003, Find (Foundation for Innovative New Diagnostic) a été lancée avec le soutien de la fondation Bill & Melinda Gates, afin d’établir, en collaboration avec l’OMS, des liens entre l’industrie et les milieux universitaires pour résoudre le problème. De nouvelles méthodes sont en cours d’évaluation.
Même chose pour les traitements : «Le déclin de la tuberculose dans les pays industrialisés s’est accompagné d’une baisse de l’investissement dans la recherche et le développement de nouvelles molécules», expliquent, dans leur article sur la recherche thérapeutique, Melvin Spigelman et Stephen Gillespie (New York et Londres). Des traitements plus courts sont indispensables si l’on veut améliorer l’observance et faire diminuer les multirésistances, de même que des molécules plus efficaces capables de pénétrer les sites difficiles à atteindre. Certains groupes, comme AstraZeneca, Glaxo SmithKline, Novartis et des organisations telles que le NIH (US National Institute of Health), travaillent déjà sur le développement de certains programmes, affirme la revue.
Mais la recherche ne pourra aboutir que si des ressources suffisantes sont allouées aux différents programmes, y compris pour la recherche vaccinale. Le plan mondial estime qu’il faudra 9 milliards de dollars pour la recherche-développement et 47 milliards de dollars pour renforcer les programmes Dots qui sont aujour-d’hui présents dans 183 pays. Dans le « Lancet », l’OMS annonce d’ailleurs une nouvelle stratégie destinée à renforcer les programme Dots et Dots plus. L’implication plus grande des malades et de l’entourage communautaire est un des points essentiels de la stratégie. Une étude réalisée au Népal montre que le contrôle des prises médicamenteuses par un membre de la famille ou de la communauté peut être efficace et constitue une alternative au contrôle du traitement par des agents de santé.
* Constitué de 400 organisations dont l’OMS, la Banque mondiale ou l’Union internationale contre la tuberculose et les maladies respiratoires (Uictmr).
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature