L’étude d’un généraliste strasbourgeois

Les pathologies des compositeurs

Publié le 23/01/2006
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S’IL EXISTE d’innombrables biographies des grands compositeurs, elles s’intéressent trop rarement à leur état de santé, explique le Dr Charton, alors que les maladies fournissent des clés pour comprendre un artiste. Il a donc, pour cette raison, relu et compilé tous les livres parus sur une cinquantaine de musiciens, de Bach à Wagner en passant par Bartok, les Strauss ou Debussy, mais aussi et surtout étudié en détail leurs journaux et leurs correspondances, très révélateurs de leurs maux quotidiens. Fort de son regard médical, il a ensuite confirmé ou infirmé les diagnostics d’autrefois et a souvent découvert, à travers la description des symptômes cités, de nombreuses affections alors non décelées ou non traitées.

Si Chopin ne peut être dissocié de sa tuberculose, dont l’évolution se lit jour après jour dans sa correspondance avec George Sand, d’autres génies de la musique présentent une liste de maladies qui remplirait à elle seule un dictionnaire médical. Loin d’être « seulement » sourd, dépressif et alcoolique, Beethoven est un rhumatisant torturé en permanence par son système digestif, et il meurt épuisé, à 57 ans, d’une insuffisance cardiaque terminale.

Mozart ne se portait guère mieux, mais c’est le traitement au mercure qu’il utilisait comme diurétique qui finira par l’empoisonner et le tuer à 35 ans, le 5 décembre 1791.

La syphilis et la tuberculose, à l’image de Paganini, qui cumulait les deux, frappent un grand nombre de compositeurs, et les grands musiciens du XIXe siècle sont souvent emportés par les accidents cérébraux et les maladies cardiaques et respiratoires, le cancer devenant, comme pour la population générale, plus fréquent au XXe siècle.

Rien de plus variable non plus que l’espérance de vie d’un compositeur. Mais elle s’allonge en général au fur et à mesure qu’on se rapproche de notre époque : Pergolèse meurt à 26 ans, Schubert à 31, Bellini à 34 et Bizet à 37, tandis que Messiaen, Richard Strauss, Saint-Saëns, Verdi et Sibelius dépassent les 80 ans.

«Ce qui est extraordinaire, c’est que beaucoup de compositeurs aient pu travailler autant malgré toutes leurs maladies», poursuit le Dr Charton, qui observe aussi combien certaines affections, et notamment la tuberculose et la syphilis, ont parfois favorisé chez eux une «stimulation pathologique» de leur créativité.

Après avoir achevé une première série de 50 grands compositeurs, le Dr Charton entend en commencer une deuxième qui en réunira une centaine d’autres. Dès à présent, la première série est librement consultable sur un site Internet spécialement créé pour l’occasion, http://pathos.comp siteurs.free.fr/index.html. Ce site présente les « dossiers médicaux » de cinquante compositeurs et, explique son auteur, servira de base à la rédaction d’un livre qui étudiera, d’une manière plus détaillée, les pathologies des plus importants d’entre eux.

> DENIS DURAND DE BOUSINGEN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7883