Un précurseur du XIIe siècle

Maïmonide, médecin du corps et de l'âme

Publié le 11/09/2005
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AU XIIe SIÈCLE, le grand médecin Moïse Ben Maïmon (1135-1204), dit Maïmonide, préconise déjà la pratique quotidienne des exercices physiques dans son célèbre « Traité des aphorismes ». Tout en décrivant en détail les modalités de la pratique physique, il y développe l'idée que le mouvement constitue la thérapie et l'expression des conflits internes du corps. Selon lui, chaque individu doit pratiquer quotidiennement une activité physique, seul moyen d'acquérir une bonne hygiène de vie. Le sport permet, explique-t-il, d'évacuer les toxines qui « polluent l'organisme », de « purifier » le corps tout entier, grâce notamment à la sudation. Il rappelle dans ce traité que la sédentarité provoque la fonte des muscles, ce qui aboutit à l'obésité. Il insiste cependant sur le fait que l'exercice est à moduler en fonction de l'âge, de la mobilité et de l'état général. Ainsi, pour les personnes âgées, il préconise une courte marche après les repas, mais il leur défend de commencer une sieste sans avoir préalablement déambulé quelques instants. Pour les personnes plus jeunes, il va jusqu'à définir une physiologie de l'effort en préconisant un effort d'abord lent, puis de plus en plus intense afin de surveiller les signes corporels (température, sudation).
Maïmonide se montre encore plus novateur lorsqu'il défend l'idée que cette pratique agit non seulement sur le corps, mais également sur l'esprit. Dans le « Traité de l'asthme », il écrit : « Quant aux émotions, leur importance nous est connue ; c'est-à-dire que l'action de la souffrance morale et de l'oppression, que nous constatons, affaiblit les fonctions psychiques et physiques. »

Rupture d'équilibre.
Maïmonide considère que la maladie résulte de la rupture d'un équilibre. Cet équilibre, à la fois physique et mental, pourra être maintenu et conforté chez celui qui saura s'en tenir au juste milieu. Pour le médecin et philosophe, le corps et l'esprit, bien que réalités distinctes, entretiennent chez l'être humain des relations d'interdépendance. Toute perte d'équilibre dans l'un se répercute automatiquement sur l'autre et provoque une rupture de l'harmonie: «  Si l'on exagère la jouissance, comme cela arrive chez les ignorants et les débiles, on peut en devenir malade et même en mourir à cause de l'anéantissement et du pourrissement de l'âme, laquelle quitte le corps, le cœur se refroidit et l'homme mourra. » Sur ce point, Maïmonide se trouve en rupture par rapport à Galien car, pour lui, l'âme tout autant que le corps est à prendre en compte dans la médecine. On retrouve dans cette conception l'influence de la philosophie enseignée par Averroès, et en particulier celle d'Aristote, qui préconise en toutes choses le principe de « juste milieu ». Grâce à cette connaissance de la philosophie doublée de la pratique d'une science médicale précise, Maïmonide fait preuve d'une avance étonnante en ce qui concerne les notions de psychologie et de psychosomatique.

* Sfhm, secrétariat général : Dr Jean-Jacques Ferrandis, 6, rue des Impressionnistes, 91210 Draveil, tél. 06.18.46.72.49.

Le Prince des médecins

Moïse Ben Maïmon, dit Maïmonide, est l'une des plus grandes figures de la médecine médiévale. Philosophe, juriste et médecin juif espagnol de culture arabe, il est né à Cordoue en 1135. Issu d'une famille de hauts dignitaires juifs, il reçoit dès le plus jeune âge une vaste culture théologique, philosophique et scientifique. En 1148, sous la pression et les persécutions des princes Almohades au pouvoir en Espagne, il doit fuir vers le sud du pays. C'est ainsi que, de 1150 à 1160, il profite à Séville des enseignements du savant Avenzoar et du philosophe Averroès.
Il réside ensuite à Fès, au Maroc, avant de s'installer au Caire en 1166. Sa réputation comme herboriste et phytothérapeute est telle que le sultan Saladin, conquérant de l'Egypte, en fait le médecin de sa cour en 1172. On dit même que, lors de la troisième croisade, Richard Cœur de Lion a essayé en vain de l'attirer auprès de lui en Palestine. Il meurt au Caire le 13 décembre 1204.
Il a laissé une œuvre encyclopédique composée d'ouvrages tels que le « Traité des poisons », le « Traité de l'asthme » ou encore le « Traité des aphorismes ». Son œuvre a été la source médicale la plus consultée au Moyen Age et a assuré à son auteur une réputation considérable, ce qui lui a valu le titre de « Prince des médecins ». L'effigie de Maïmonide est d'ailleurs sculptée dans la pierre des bâtiments de la faculté de médecine de Paris, que l'on peut voir aujourd'hui encore en passant rue Jacob.

> ANNA STEYER

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7798