Le sel, dont tous les pays ou presque, sont aujourd'hui assurés de ne pas manquer pour leur propre consommation (alimentaire et industrielle), fut longtemps une grande quête de l'Humanité. « Le sel a animé d'intenses trafics, fait l'objet de spéculations de la part des producteurs, suscité l'angoisse des consommateurs rarement assurés pour longtemps d'un ravitaillement satisfaisant. Il a justifié des stratégies marchandes et politiques, enrichi les uns, appauvri les autres. En somme, le sel a joué pour des dizaines de générations (et même des centaines) le rôle que la nôtre assigne aujourd'hui au pétrole », écrivait Jean-François Bergier (1).
Salins et salines
En réalité, le sel existe en abondance dans la nature ; on le trouve dans les mers et dans le sol. Le globe recèle plus de sept millions de kilomètres cubes de sel marin ! et une quantité astronomique mais non évaluée de sel gemme.
On récolte le sel marin sur les rivages offrant un terrain plat, une salinité suffisante et un climat chaud avec des vents modérés et constants.
On appelle « salins » les installations permettant la récolte du sel de mer, et « salines », celles de sel terrestre ou de sources salées.
En Europe, on trouve des salines dans l'est de la France (Franche-Comté, Lorraine), dans le nord de l'Allemagne, dans les Alpes autrichiennes et dans les Carpates.
Les mines de sel continentales européennes incitèrent des populations préhistoriques à se sédentariser. Lorsque les peuples du Néolithique se fixèrent - abandonnant la chasse pour l'agriculture -, une ressource en sel à proximité était bienvenue pour compenser la baisse des apports du fait de l'abandon d'un régime hautement carné.
Hallstatt en Autriche était une station prospère dès la première période de l'âge de bronze. Ses mines furent exploitées par les Celtes dès le Xe siècle avant notre ère. Cette population vivait par le sel et pour le sel. On savait creuser des galeries et les étayer. On savait aussi le vendre, si on en juge par la richesse des tombes environnant ce site.
En Franche-Comté, le sel a aussi été source de prospérité, comme en témoignent les fameuses salines de chaux à Arc-et-Senans, dues à l'architecte de Louis XV Claude-Nicolas Ledoux. « Arc-et-Senans et Hallstatt démontrent bien comment une denrée alimentaire aussi essentielle que le sel peut servir de moyens d'expression au génie multiforme de l'homme : de l'ingéniosité empirique à l'esthétisme visionnaire », écrit Maguelonne Toussait-Samat (2).
Des efforts pour réduire la consommation
Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, le sel était utilisé quasi exclusivement pour assaisonner et conserver les aliments. C'est au début du XIXe qu'a débuté son utilisation industrielle (notamment pour fabriquer la soude). Parallèlement, le salage pour conserver les aliments est peu à peu remplacé par d'autres techniques comme l'appertisation, le froid, la lyophilisation, l'emballage sous vide et l'irradiation. Et les goûts ont évolué, on n'aimait plus le « très salé » fort apprécié des Romains, qui ajoutaient de grandes quantités de sel dans les viandes, les poissons, les légumes, le fromage et le pain et même le vin et la bière.
Mais, à nouveau, au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, l'utilisation du sel a réaugmenté - sans atteindre les niveaux de consommation des Romains -, notamment avec le développement des aliments industrialisés. Aujourd'hui, nous consommons trop de sel ; de 10 à 12 g par jour alors que les besoins sont estimés à 7 g environ.
En janvier 2002, l'Afssa a publié un rapport sur le sel, où elle recommandait une baisse des apports pour atteindre l'objectif de 7 à 8 g par jour. Pour contribuer à cet objectif, les industriels de l'agroalimentaire - par l'intermédiaire de leur association nationale (Ania) - se sont alors engagés à analyser dans quelle mesure il était possible d'optimiser ou de réduire la teneur en sel dans les aliments, compte tenu des contraintes sanitaires, technologiques et gustatives. Les secteurs les plus concernés sont la boulangerie (qui apporte 25 % du sel), la charcuterie (13 %), les soupes (10,3 %) et les fromages (8,8 %). Deux démarches ont été entreprises : la première a consisté à optimiser le taux de sel des produits existants et la seconde à lancer des gammes de produits à teneur réduite en sel. Ainsi, la charcuterie semble avoir réussi à réduire de 5 % environ la quantité de sel utilisée. D'autres secteurs, comme les plats cuisinés travaillent également à l'optimisation des teneurs en sel.
« Reste maintenant à poursuivre les efforts et à mesurer l'impact de ces actions sur la réduction effective de la consommation », indique l'Ania dans son bulletin d'information. « Il est indispensable également que les pouvoirs publics dressent un bilan de l'application des autres recommandations de l'Afssa : éducation visant les gros consommateurs de sel, les mères des jeunes enfants, formation des professionnels de santé. Il faut aussi poursuive l'analyse des nouvelles données scientifiques sur les relations entre sel et santé. »
(1) Jean-François Bergier, « Une histoire du sel », Office du livre, Fribourg, 1982.
(2) Maguelonne Toussaint-Samat, « Histoire naturelle et morale de la nourriture », éditions Larousse.
« La lettre de l'Ania », n° 3, février-mars 2005.
Sel gemme ou sel marin
Le sel de table provient ou de la pulvérisation des blocs extraits des mines de sel gemme ou de la dessiccation des saumures (dilutions) de sel gemme, ou encore de l'évaporation de l'eau de mer dans les marais salants.
Il n'y a pas de différence entre le sel marin et le sel gemme, lorsqu'ils sont purs. Mais ils le sont rarement. Le sel marin s'accompagne de chlorures de potassium et de magnésium, de sulfates de calcium et de magnésium, ainsi que d'iode. Le sel gemme est un mélange de chlorure de sodium et de sulfate double de sodium et de calcium.
Les mille usages du sel
Dès le début des civilisations, le sel est perçu comme une substance mystérieuse et surnaturelle. Au cours du temps, on a dit que le sel avait des bienfaits pour les maladies de peau. Au Moyen-Age, il était utilisé par exemple pour soigner les brûlures, les piqûres ou diverses blessures et pour faire des emplâtres. C'était une sorte de médicament ; on faisait des cataplasmes d'orties salées pour guérir les entorses. Il était utilisé pour traiter les oedèmes des pieds ou comme vomitif pour soulager les embarras gastriques. Peu à peu, ses usages se sont diversifiés et on le retrouve plus tard dans la blanchisserie, l'agriculture, la médecine...
Le sel comme salaire
Aussi frugaux qu'ils fussent, les repas des Anciens comportaient un peu de sel. Aux premiers temps de Rome, les simples soldats en recevaient une poignée quotidienne. Puis on remplaça cette ration par une petite somme d'argent pour se procurer le sel ; c'était le salarium, le salaire. Puis au Moyen Age, le sol, le sou, qui constituait la paie des militaires, constitua leur solde et ils devinrent soldats. Le salaire devint alors l'apanage des civils et les travailleurs furent des salariés.
Où se trouve le sel que nous mangeons ?
Le sel est le nom commun du chlorure de sodium (NaCl). Il est utilisé depuis des millénaires pour donner du goût aux aliments, pour les conserver et assurer la sécurité microbiologique, ou pour des raisons technologiques (fermentation du pain, affinage du fromage).
Le sel (ou le sodium) consommé provient :
- du sodium naturellement présent dans les aliments ou les boissons (environ 20 % des apports totaux) ;
- du sel ajouté lors de la fabrication des aliments (environ 70 % des apports totaux) ;
- et du sel ajouté à la cuisson ou sur la table (environ 10 %).
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