DANS LE LIVRE de la Genèse, la première parole performative de Dieu n'est pas pour le soleil, mais pour la lumière, dont le Créateur dit : « Qu'elle soit ! » Et elle fut. Mais il faut attendre le troisième jour pour que, Yaweh ayant séparé la lumière et les ténèbres, les eaux et le ciel, puis créé les herbes et les arbres, la verdure et les fruits, il s'attaque aux « luminaires » au firmament du ciel, « pour qu'ils servent de signes pour les fêtes et les années » ; il en fit deux « majeurs », qu'il plaça au firmament du ciel, pour qu'ils commandent au jour et à la nuit, pour séparer la lumière et les ténèbres : le grand, comme puissance du jour et le petit comme puissance de la nuit.
Ce n'est que le lendemain et le surlendemain que le créateur en viendra aux êtres vivants, pour, au sixième jour, atteindre son apothéose, avec la créature tout à la fois « à son image et à sa ressemblance », l'homme.
Rédigé pendant l'exil du peuple juif à Babylone, au VIIe siècle (avant Jésus-Christ), ce récit est contemporain d'autres cosmogonies, égyptienne, sumérienne, babylonienne, qui, chacune, confère une place de choix, symbolique et didactique, au « grand luminaire » qu'est le soleil.
Rê, le dieu soleil, met la terre au monde.
Dans le genre, l'Egypte antique détient la palme : à Héliopolis, issu du Noun, l'océan primordial, c'est Rê, le dieu soleil, qui met la terre au monde ; à Memphis, ce même Rê parcourt son domaine pour dispenser à l'humanité ses dons et ses bienfaits.
Ainsi naîtra le calendrier solaire, qui invente le cycle des 365 jours de l'année.
A Babylone aussi, malgré la préférence faite à la lune pour construire le calendrier, c'est le dieu Baal qui tient assurément le haut de l'affiche céleste, avec Hammon-Baal, le dieu du jour.
Toute révérence doit encore être gardée aux Aztèques, avec Huitzilopotchli, terrible divinité tout à la fois du Soleil, de l'orage et de la guerre, à laquelle sont sacrifiés, certains jours de fête, jusqu'à 20 000 hommes. Les conquistadores espagnols ont pu dénombrer jusqu'à 136 000 têtes coupées en holocauste en un seul endroit.
Les Incas, jusqu'à la même époque, le XVIe siècle, ne sont guère moins cruels pour amadouer leur dieu soleil Inti et obtenir ses faveurs dans des bains de sang humain (Inca veut dire Fils du Soleil). Et des sectes, comme le Temple solaire, en pratiquant le suicide collectif à grande échelle, ont perpétué ces rites barbares jusqu'à nos jours.
Le soleil et le Mythe de la caverne.
La cosmogonie grecque limitera la cruauté sacrificielle aux seuls récits mythologiques, comme avec Chronos, le dieu du temps qui mange ses enfants ; c'est de lui que, à travers l'Ether et le Chaos, naîtra enfin le Soleil, lequel engendrera le ciel et la terre.
Toujours dans la culture grecque, mais cette fois au rayon philosophique, le soleil est sans doute l'acteur principal du « Mythe de la caverne », en fait le récit symbolique rapporté dans la République de Platon (livre VII) : il faut que l'un des prisonniers enchaîné au fond de la caverne de son ignorance soit arraché de force à son univers d'ombres et de ténèbres pour que, après avoir gravi la montage, il découvre enfin la lumière du soleil : l'astre alors le délivre de l'obscurantisme et lui révèle la lumière de la connaissance absolue, qui lui découvre le monde intelligible.
Cet éclairage philosophique des consciences est proposé dès le Ve siècle avant Jésus-Christ. Mais il faudra attendre une vingtaine de siècles pour que la science nouvelle en finisse avec le schéma antique qui sépare « le monde des hommes » et « le monde des dieux » ; les divinités s'y confondaient avec un macrocosme stable dominé par le soleil, au-dessus du microcosme humain, soumis aux péripéties des sociétés humaines et de la vie sociale. Le chanoine polonais Nicolas Copernic, professeur à l'université polonaise de Cracovie, en 1543, unifie le ciel et la terre, supprime la différence ontologique fondamentale entre les deux et expose, pour la première fois dans les annales de l'astronomie moderne, un modèle du monde où les planètes tournent autour du soleil. On sait aujourd'hui que l'astronome avait pour partie repris les théories de Ptolémée (- 200 avant Jésus-Christ), qui pensait que l'univers était constitué de sphères transparentes et concentriques auxquelles sont accrochées les planètes et les étoiles. Mais le théoricien athénien restait géocentriste, alors que Copernic est le premier à émettre l'hypothèse de l'héliocentrisme pour expliquer les mouvements célestes.
Il faudra du temps et quelques bûchers (comme celui dressé pour Giordano Bruno, condamné à Rome en 1600) avant que l'idée héliocentrique, gagnant toute la communauté scientifique, puisse prévaloir sur le géocentrisme. L'enjeu était d'abord théologique : tout ce que la Bible affirme au sujet des relations Terre/Soleil semblait tout à coup remis en cause. Mais la communauté scientifique elle-même était rétive au chamboulement : la distinction aristotélicienne entre le monde sublunaire et le monde supralunaire étant remise en cause, les bases de la physique étaient ébranlées.
Bien sûr, les aventures scientifiques du soleil n'en resteront pas là. Einstein, avec la révolution de la relativité générale, mettra un terme à la théorie d'un système solaire qui serait placé au centre de la galaxie. Et, plus près de nous, le « flou quantique » a remis en cause la relativité générale en étudiant les particules de la matière et de la lumière solaire.
Selon Niels Bohr et ses élèves, tenter de décrire l'univers comme quelque chose d'extérieur à nous n'a alors plus aucun sens. Le sage romain est démenti, qui avait gravé en latin dans la pierre d'un cadran solaire du premier siècle cet adage : « Soli soli soli » (au soleil solitaire, les hommes isolés).
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