L'ARRIVÉE EN 1996 des trithérapies a eu pour conséquence une forte diminution de la mortalité due au sida. Les causes de décès des personnes infectées par le VIH se sont diversifiées. Une première enquête réalisée en 2000 et publiée dans le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » (n° 17/2004) a montré que plus de la moitié des décès n'étaient pas dus au sida, l'affection n'étant directement en cause que dans 47 % des cas. Les autres causes identifiées étaient le virus des hépatites (11 %), les cancers non classant sida (11 %), une atteinte cardio-vasculaire (7 %), une infection bactérienne (6 %). La toxicité des ARV ne représentait que 1 % des décès, alors que les cancers liés ou non au sida en constituaient près du tiers (28 %). L'enquête a par ailleurs montré qu'un décès sur cinq liés au sida s'expliquait par un retard de diagnostic de l'infection par le VIH, souvent dans un contexte d'immigration. De même, le lymphome malin non hodgkinien, dont l'incidence a diminué moins rapidement que celle des infections opportunistes, était en cause dans un décès dû au sida sur cinq. Des causes émergentes, comme le VHC ou les cancers non classant sida, étaient identifiées chez des patients dont le niveau d'immunosuppression était peu avancé. Cependant qu'une proportion élevée de consommateurs excessifs d'alcool était observée chez les personnes décédées par le VHC, et de fumeurs parmi celles décédées de cancer, notamment du poumon.
Comment ces chiffres ont-ils évolué ? On sait, d'après les enquêtes de cohorte réalisées chez les patients occidentaux infectés par le VIH, que la mortalité est restée stable entre 2000 et 2005 mais qu'elle est encore plus élevée que dans la population générale. « En 2005, alors que les patients sont plus âgés et ont passé plus de temps sous traitement, des questions restent d'actualité : la part des hépatites et des cancers a-t-elle augmenté ? Quelle est la part des maladies cardio-vasculaires ? La part de la toxicité des traitements reste-t-elle aussi basse qu'en 2000 ? » C'est à ces questions que veulent répondre les chercheurs du comité de pilotage dirigé par le Pr Geneviève Chêne (Inserm U593, Bordeaux).
Une bonne connaissance des causes de décès est essentielle pour adapter la prise en charge, orienter la recherche et les priorités de santé publique, l'ensemble visant à l'amélioration de l'espérance de vie des patients.
Une étude spécifique au VIH est nécessaire, car, l'enquête 2000 l'a aussi montré, « la mention du VIH ne figure pas systématiquement sur le certificat de décès lorsque la cause est autre ». Les épidémiologistes de l'Inserm/CépiDc ont collaboré à une meilleure détermination de la cause initiale de décès adaptée aux particularités de l'infection à VIH. Une étude d'évaluation de la qualité de remplissage des certificats sera couplée à l'enquête.
Tout médecin peut être concerné.
L'enquête Mortalité 2005, réalisée en collaboration avec l'enquête Anrs Mortavic, qui étudie particulièrement les causes de décès liées aux hépatites virales, est donc une étude transversale avec un recueil prospectif de tous les décès survenant chez des patients séropositifs adultes (au moins 18 ans) entre le 1er janvier et le 31 décembre 2005, quels que soient la cause et le lieu du décès. « En pratique, tous les médecins, généralistes ou spécialistes ayant connaissance d'un tel décès peuvent participer en signalant le cas grâce à la fiche de signalement figurant sur le site Web* de l'Isped (Institut de santé publique, d'épidémiologie et de développement) ou directement par e-mail à l'Inserm U593** », précisent les investigateurs.
L'ensemble des services cliniques de métropole et des DOM-TOM répertoriés pour la prise en charge des patients infectés par le VIH sont sollicités : s'ils ont participé à l'enquête 2000 ou au moins à une étude de l'Anrs, les Cisih (Centres d'information et de soins de l'immuno-déficience humaine), les réseaux ville-hôpital, les médecins adhérents de la Spilf (Société de pathologie infectieuse de langue française), le Cmit (Collège des universitaires des maladies infectieuses et tropicales). Par rapport à la précédente, l'enquête 2005 est élargie aux réanimateurs, aux pneumologues, aux hépatologues contactées via leurs sociétés savantes (Société de réanimation de langue française, Société de pneumologie de langue française et Société d'hépatologie). Un premier courrier a été adressé fin décembre à l'ensemble des centres et des fiches leur sont envoyées au début de chaque trimestre. Les prochains envois auront lieu fin mars, fin juin et fin septembre 2005.
Le recueil des données est effectué en deux étapes. Dans un premier temps, les médecins envoient les fiches de signalement à l'unité 593 de l'Inserm. Les décès sont ensuite documentés : caractéristiques des personnes décédées et des pathologies qui ont contribué au décès grâce au questionnaire standardisé adressé en retour par l'Inserm et qui doit être rempli, si possible par le médecin référent VIH. Une fois complétés, les questionnaires seront adressés au CépiDC-Inserm pour être codés. « Les premières tendances des six premiers devraient être connues à la fin du dernier trimestre 2005 », précise le Pr Chêne.
* http://etudes.isped.u-bordeaux2.fr/m2005/.
** m2005@isped.u-bordeaux2.fr.
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