DE 20 A 25 % de la population française souffrent de problèmes allergiques. Chez les enfants, de 25 à 30 % d'entre eux seraient touchés par une maladie allergique : de 15 à 20 % pour la dermatite atopique, de 7 à 10 % pour l'asthme, de 15 à 20 % pour la rhinite et la conjonctivite allergiques. Quelles sont les causes de ce volcanisme allergique ? On n'en sait rien, déplore le Pr Pierre Scheinmann, chef de service pédiatrie pneumo-allergologie à l'hôpital Necker, à Paris. « De grandes études sont en cours. Ce qui est sûr, c'est que notre génétique n'a pas pu changer en 20-30 ans, donc cette irruption allergique serait plutôt attribuable à l'occidentalisation du mode de vie. » Ce dont on est convaincu en revanche, c'est des progrès réalisés quant à la « gestion » de ces maladies. Aujourd'hui, les asthmatiques, par exemple, ont recouvré une très bonne qualité de vie. « L'allergie peut changer la vie des gens, mais nous aussi, en retour, nous pouvons changer la vie des asthmatiques », sourit le Pr Scheinmann. « Les avancées sont notables tant en ce qui concerne le traitement, avec un matériel de plus en plus simplifié, mais aussi et surtout pour la vie quotidienne de l'enfant. Le projet d'accueil individualisé à l'école est un grand progrès pour l'intégration du jeune élève dans la vie scolaire. »
Mais pour bien traiter l'allergie, il faut l'avoir identifiée. Et le plus tôt est le mieux. « Depuis quelques années, on constate un lien de plus en plus fréquent entre les allergies alimentaires et les allergies respiratoires. L'eczéma, lorsqu'il apparaît précocement au cours de la vie, semble être un indicateur prédictif de l'asthme survenant plus tard dans l'enfance », explique le Pr Scheinmann.
Conclusion : plus tôt on diagnostique tôt la maladie allergique, plus on améliore, à effet direct, la vie de l'enfant et plus on a de chances d'éviter le passage d'une rhinite à un asthme, par exemple, ou d'une sensibilité à un acarien à une polysensibilité. Quatre-vingts pour cent des asthmes, en effet, sont d'origine allergique.
Déculpabiliser les mères.
La campagne lancée par l'Académie européenne d'allergologie et d'immunologie clinique (Eaaci) avec le soutien de la Société française d'allergologie et d'immunologie clinique (Sfaic) et de la Société française de pédiatrie s'adresse aux parents et aux généralistes. Que doit savoir le médecin ? Que doivent savoir les parents ? La question, qui figure sur l'en-tête de brochures d'information**, est volontairement posée aux uns et aux autres, tant on sait les rôles complémentaires qu'ils doivent jouer dans le diagnostic allergique chez un enfant. « Nous sommes frappés en consultation par le sentiment de culpabilité ressenti par les parents, et en particulier les mamans. Elles pensent souvent que leur enfant est tombé malade parce qu'elles l'ont trop couvé ou, au contraire, par réaction à la mésentente entre les parents. L'asthme est une vraie maladie, elle est dans les poumons, pas dans la tête, et on la traite. On en vient à être rassuré lorsque, face à des toux ou des diarrhées répétées, on diagnostique un asthme, parce que, au moins, on sait le soigner. »« Il ne s'agit pas de culpabiliser les parents mais au contraire de les informer, de les sensibiliser afin qu'ils puissent nous aider dans le diagnostic, renchérit le Dr Fabienne Rancé, pédiatre et pneumologue au CHU de Toulouse et spécialiste internationale de l'allergie alimentaire chez l'enfant. L'asthme leur fait peur, parce qu'ils savent que c'est une maladie chronique et qu'elle peut être grave. »
Il faut donc « y » penser. Et, selon le Dr Amine Arsan, pédiatre à Paris, « c'est un travail d'y penser ». Les manifestations allergiques de l'enfant ou de l'adolescent peuvent prendre des formes tellement variées. « Les maladies allergiques sont sous-traitées en médecine de ville. Il appartient aux généralistes et aux pédiatres d'être mieux formés et informés sur l'allergie, afin d'orienter leurs petits patients chez un allergologue. La recherche de la cause de l'allergie s'apparente à une enquête policière dans laquelle on ne trouve que ce que l'on cherche. »
« Encore faudrait-il que l'enseignement de l'allergologie occupe une place suffisante dans les études de médecine », conclut le Pr Scheinmann. Les allergologues sont environ 1 500 en France aujourd'hui.
* 32e Journée parisienne d'immuno-allergologie infantile, samedi 6 novembre, Maison de la chimie (28 bis, rue Saint-Dominique, 75007 Paris). Renseignements au 01.44.38.16.24, service de pneumologie et d'allergologie infantile pédiatriques, CHU Necker.
** Brochures validées par des sociétés savantes, destinées à des médecins non spécialistes de l'allergologie et d'autres adressées aux familles d'enfants malades, disponibles notamment sur le site de l'association Afpral (Association française pour la prévention des allergies), www.prevention-allergies.asso.fr.
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