La Journée mondiale pour la santé au travail

Deux millions de morts évitables chaque année

Publié le 27/04/2004
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VINGT ANS après la catastrophe de Bhopal, en Inde, avec ses deux mille cinq cents morts, le milieu du travail est toujours, lourdement et régulièrement, endeuillé. Kemerevo, Sibérie, 10 avril 2004 : explosion mortelle dans une mine, au moins 40 tués. L'industrie minière russe est en mauvais état, faute d'entretien. Jieyan, Chine, 9 avril 2004 : 12 ouvriers trouvent la mort par électrocution sur un chantier après avoir été en contact avec un câble d'une tension de 10 000 volts. De janvier à octobre 2003, l'empire du Milieu a recensé 13 283 accidents du travail mortels dans les mines et l'industrie. Prague, 14 avril 2004 : une étude révèle qu'un quart des accidents, y compris les accidents du travail mortels, ont lieu dans le secteur de la santé ! En février dernier, à Phnom Penh, plusieurs dizaines de travailleuses d'une usine textile s'évanouissent devant leur machine ; le local était mal aéré et l'entreprise utilisait un produit hautement toxique, le trichloréthylène. Janvier 2004, explosion au complexe de gaz naturel liquéfié de Skikda, en Algérie, 27 tués. Novembre 2003, effondrement de la passerelle menant au paquebot « Queen Mary 2 », alors en construction à Saint-Nazaire, 10 morts.

Une négligence mortelle.

La liste des victimes du travail est sans fin. Un décès toutes les 15 secondes. Six mille par jour. Deux millions deux cent mille par an (750 000 femmes). Près de 270 millions d'accidents annuels. Les conflits armés sont moins meurtriers. Or, la fatalité n'y est pour rien. C'est la négligence qui se révèle mortelle, au même titre que la violation des normes et le manque de prévention. La pauvreté n'a rien à y voir, affirme l'Organisation internationale du travail (OIT), qui organise, ce 28 avril, une Journée mondiale pour la sécurité et la santé au travail. « Des employeurs peu scrupuleux refusent de consacrer des ressources à la sécurité ; des gouvernements refusent de ratifier des conventions internationales ; et les travailleurs eux-mêmes manquent de formation et d'information pour faire face. » L'environnement n'est pas épargné, comme en témoigne le nuage de dioxine qui s'est échappé d'un réacteur d'usine chimique, le 10 juillet 1976, à Seveso, en Italie. Outre 3 300 animaux domestiques morts intoxiqués, il aura fallu abattre près de 70 000 têtes de bétail. Sans oublier Tchernobyl, le 26 avril 1986, avec 7 000 victimes humaines (32 officiellement en 1987), 1,7 million personnes irradiées et des dizaines de milliers d'hectares de terre contaminés (voir page ci-contre).

160 millions de cas de maladies professionnelles.

Parmi ces milliers de décès, 350 000 ont lieu au cours d'accidents, les autres sont causés par des maladies, fait remarquer l'OIT, agence tripartite (gouvernements, employeurs, syndicats) des Nations unies. Plus de 400 000 morts résultent de l'exposition à des substances chimiques, elle-même responsable de 35 millions des 160 millions de cas de maladies professionnelles dans le monde. Quelque 300 000 cancers annuels sont dus à des produits dangereux. Aujourd'hui encore, 100 000 personnes meurent de l'amiante, en dépit de la convention internationale adoptée par l'OIT en 1986 qui prohibe certains types d'amiante.
Le laisser-aller coûte également la vie à 22 000 enfants chaque année, qui travaillent alors qu'ils devraient être à l'école, en dépit « d'une batterie de déclarations et de législations », dénonce la Confédération internationale des syndicats libres, à l'origine de la Journée du 28 avril qu'elle consacre pour sa part à la commémoration des morts et des blessés au travail. Et pourtant, la santé et la sécurité des travailleurs rapportent aux entreprises, compte tenu du coût des accidents du travail qui, outre-Atlantique, se chiffre en dizaine de milliards de dollars (augmentation des primes d'assurance, prestations aux parents des victimes, remplacement et formation de la main-d'œuvre). « L'immobilisme est bien plus coûteux que les dépenses liées aux maladies professionnelles et aux accidents de travail qui pèsent mille milliards de dollars par an dans tous les pays de la planète. Un montant vingt fois supérieur à celui de l'aide publique en faveur des pays en développement », souligne l'OIT . La prévention doit devenir « une priorité, et les normes internationales peuvent y contribuer ». Près de la moitié des 184 conventions approuvées par l'OIT ont un rapport avec des questions de santé et de sécurité.

>> PHILIPPE ROY

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7529