Le retard important de la chirurgie ambulatoire (1) en France est déjà connu - seulement 30 % des actes chirurgicaux qui pourraient être effectués dans la journée le sont en France, ce qui la place au 12e rang des 14 pays de l'OCDE. Mais, selon une vaste enquête publiée par l'assurance-maladie, jusqu'à « 30 % des établissements hospitaliers publics et privés » pourraient d'ores et déjà transférer une partie de leur activité chirurgicale vers ce mode opératoire.
Environ « 30 000 patients et 1 280 établissements » ont été contactés en 2001-2002 pour cette enquête en quatre volets (coût, besoins, opinion des acteurs et offre de soins) sur les « Conditions du développement de la chirurgie ambulatoire », « la plus grande au monde » sur le sujet, selon Pierre-Jean Lancry, directeur délégué aux risques à la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM). En 1999, la chirurgie ambulatoire était beaucoup plus pratiquée dans le secteur privé (87 % des interventions chirurgicales) que dans le public (13 %), avec en outre une grande disparité de pratiques selon les régions pour 18 gestes « marqueurs ». Par exemple, la chirurgie ambulatoire représentait 6,1 % des arthroscopies du genou réalisées en Auvergne contre 53,8 % en Bourgogne, et 11,1 % des opérations de la cataracte en Haute-Normandie, contre 70,7 % en Poitou-Charentes. L'étude des trois caisses d'assurance-maladie mesure précisément le potentiel de développement de cette pratique acte par acte et région par région, en croisant les besoins de la population (état de santé, environnement, psychisme) avec les caractéristiques de l'offre de soins (un trajet de plus de 60 minutes entre le domicile et une structure de soins étant contre-indiqué).
L'étude révèle ainsi qu'en Basse-Normandie, la quasi-totalité des patients (95 %) pourraient se faire extraire des dents en ambulatoire alors que seulement 16,4 % le font aujourd'hui. En Ile-de-France, jusqu'à 78,5 % de la population concernée pourrait se faire opérer de la cataracte sans hospitalisation, au lieu de 46,9 % actuellement. Par cet « état des lieux extrêmement fin », souligne le Pr Hubert Allemand, médecin-conseil national de la CNAM, cette étude « mâche le travail » des unions régionales des caisses d'assurance-maladie (URCAM) et des agences régionales d'hospitalisation (ARH) pour les schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS).
L'assurance-maladie fait valoir que « 90 % des patients interrogés » dans le cadre de son enquête se sont déclarés « satisfaits » de leur prise en charge en ambulatoire. Mais, bien sûr, les caisses ont elles-mêmes intérêt à ce que cette pratique se développe sur le plan économique. A partir de 5 000 dossiers concernant cinq actes chirurgicaux fréquents (2), l'étude montre que les économies potentielles varient, selon les actes pratiqués, « de 7 % (cataracte) à 26 % (varices) dans les établissements privés et de 25 % (arthroscopie du genou) à 51 % (varices) dans les hôpitaux publics ». La chirurgie ambulatoire est plus économique « avant, pendant et après », souligne Pierre-Jean Lancry, puisque la comparaison hospitalisation traditionnelle/ambulatoire porte sur les dépenses trois semaines avant l'opération et sur les soins de suite dans un délai de deux mois. Au total, les caisses évaluent à « 100 millions d'euros » le gisement d'économies annuelles sur les cinq interventions étudiées.
En attendant, l'étude relève que les « freins » à l'essor de la chirurgie ambulatoire ne sont pas économiques mais essentiellement « culturels ». « On a besoin d'une évolution des mentalités et des comportements, notamment dans les hôpitaux », affirme le Pr Allemand. Cette pratique nécessite une mobilisation et une synchronisation des professionnels autour du malade en un laps de temps très court. Or c'est un exercice difficile ou peu incitatif « dans les grands établissements », selon les caisses.
(1) La chirurgie ambulatoire recouvre des interventions réalisées en l'espace de 12 heures ne nécessitant pas d'hébergement, contrairement à l'hospitalisation traditionnelle.
(2) Il s'agit des interventions suivantes : opération de la cataracte, décompression du nerf médian du canal carpien, extraction de deux dents de sagesse, intervention sur les varices du membre inférieur, arthroscopie du genou avec méniscectomie.
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