De notre correspondante
à New York
Il n'est pas aisé de découvrir la composante génétique de l'infarctus du myocarde. Cette maladie complexe résulte d'une interaction entre de nombreux gènes de susceptibilité et des facteurs environnementaux et comportementaux. Une approche se fonde sur la recherche des polymorphismes associés à la maladie.
Lorsqu'il est associé à la maladie, le polymorphisme d'un gène, c'est-à-dire la substitution d'un nucléotide pour un autre dans la séquence d'ADN, peut être utilisé comme marqueur. Toutefois, ce polymorphisme peut être un marqueur de susceptibilité sans jouer forcément un rôle causal.
Si plusieurs polymorphismes associés à l'infarctus ont été identifiés, ils restent controversés en raison de la petite taille des études et de la diversité ethnique des populations enrôlées.
Une grande étude japonaise, publiée cette semaine dans le « New England Journal of Medicine », est exempte de ces défauts. L'équipe dirigée par le Dr Yokota (hôpital universitaire de Nagoya) a étudié 2 819 patients, après un infarctus (2 003 hommes et 816 femmes), et 2 242 témoins (1 306 hommes et 936 femmes) dans quinze hôpitaux japonais.
Les témoins étaient dépourvus de symptôme coronarien, mais présentaient au moins un facteur de risque coronarien (tabac, obésité, HTA, diabète, hypercholestérolémie ou hyperuricémie). Les investigateurs ont choisi d'examiner 71 gènes candidats potentiellement associés, dans de précédentes études, à l'athérosclérose coronarienne ou au vasospasme, à l'hypertension, au diabète ou à l'hyperlipidémie. Ces gènes candidats peuvent jouer un rôle dans différents aspects de la pathogenèse, par exemple dans la communication jonctionnelle entre les cellules endothéliales (connexine 37), la production de radicaux libres par les cellules musculaires lisses (p22phox), la fibrinolyse (inhibiteur de l'activateur du plasminogène de type 1) et le métabolisme de la matrice (stromélysine). Ils ont choisi de comparer, entre les deux groupes, les fréquences de 112 polymorphismes de ces gènes, polymorphismes qui ont de fortes chances de modifier la fonction ou le degré d'expression de la protéine.
19 polymorphismes chez l'homme, 18 chez la femme
L'analyse a été conduite en deux temps. Ils ont dépisté initialement les 112 polymorphismes chez 909 sujets, en recherchant ceux associés à l'infarctus. Après analyse, ajustée selon l'âge, l'IMC, le tabagisme, une HTA, un diabète, une hypercholestérolémie, une hyperuricémie, 19 polymorphismes ont été sélectionnés, chez les hommes, et 18 chez les femmes.
Puis, une étude à grande échelle a examiné les 19 polymorphismes chez les 2 858 hommes restants et les 18 polymorphismes chez les 1 294 femmes restantes. L'analyse révèle que le risque est significativement associé à un polymorphisme chez les hommes, C1019T sur le gène de la connexine 37, et à deux polymorphismes chez les femmes, 4G-668/5G sur l'inhibiteur de l'activateur du plasminogène de type 1 et 5A-1171/6A sur le gène de la stromélysine.
De nombreux polymorphismes associés à la maladie coronarienne, dans d'autres groupes ethniques et des études précédentes, n'ont pas été confirmés ici. Les investigateurs concluent que les trois polymorphismes pourraient prédire le risque génétique d'infarctus et donc contribuer à la prévention primaire.
Deux éditorialistes, les Drs Peters et Boekholdt, du centre médical académique d'Amsterdam, suggèrent d'interpréter prudemment ces résultats. Ils soulignent « les limites importantes de l'étude », par exemple la sélection du groupe témoin, qui n'est pas recruté à partir de la population générale, et la relative faiblesse des risques. Ces résultats, concluent-ils, « devraient être utilisés pour lancer de nouvelles recherches visant à répliquer ces résultats et à élucider les mécanismes sous-jacents de la maladie. On ne peut pas se reposer dès à présent sur ces résultats pour formuler des conseils individuels aux patients ou des recommandations de prévention primaire ».
« New England Journal of Medicine », 12 décembre 2002, pp. 1916 et 1963.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature