De notre correspondant
Les thérapeutiques non validées scientifiquement sont multiples et vont du crédible, comme l'acupuncture ou la chiropraxie, au ridicule, comme les lavements au café.
Si leur efficacité est encore très contestée, notamment dans le monde médical, leur existence et leur signification ne sont plus mises en doute. « Ce que nous devons retenir, et quoi que nous en pensions, dit au « Quotidien » le Dr Susan Folkman, de l'université de Californie à San Francisco (UCSF), c'est que ces traitements sont très répandus et que le public y croit. »
De sorte que, après avoir opposé à la médecine alternative son mépris ou son indifférence pendant presque tout le XXe siècle, la communauté médicale se hâte maintenant de l'évaluer, c'est-à-dire de vérifier scientifiquement son fonctionnement et les raisons de son efficacité apparente. Du coup, des plantes, des aliments, l'acupuncture et d'autres traitements non conventionnels sont testés avec la même rigueur que pour les essais cliniques de nouveaux médicaments.
Deux médecines différentes
L'un des objectifs non dissimulés des chercheurs est d'avaliser les traitements ou les ingrédients dont le bénéfice est le plus fort et les effets indésirables les plus faibles pour les inclure dans la pratique clinique routinière. Les médecins les plus ouverts à la médecine alternative, aussi appelée médecine complémentaire, souhaitent à plus long terme associer ses méthodes aux procédures classiques de manière à créer une « médecine intégrée » qui continue d'utiliser la science contemporaine sans être limitée par ses contraintes.
« Le nombre de consultations en médecine alternative ou complémentaire (CAM) est tellement élevé que nous sommes désormais en présence de deux médecines différentes, explique le Dr Folkman. Il est indispensable de les unifier. »
L'avènement de la CAM remonte à 1993. Cette année-là, le Dr David Einsenberg, de Harvard, publiait une étude qui montrait que 34 % des Américains avaient eu recours à la CAM en 1990. Eisenberg et son équipe ont suivi l'ascension de la CAM les années suivantes. Ils ont souligné un danger : comme peu de patients signalent à leur médecin traitant qu'ils ont recours à la CAM, le risque de contre-indications devenait de plus en plus grand. Eisenberg a alors lancé un cri d'alarme aux autorités fédérales, en leur demandant d'intervenir dans le débat, principalement en procédant à une évaluation scientifique des plantes et des thérapies de la CAM.
En 1998, les très sérieux National Institutes of Health (NIH) ont transformé le bureau minuscule consacré à la CAM en agence fédérale à part entière, dont le budget a été multiplié par cinquante et est passé de deux millions de dollars par an à cent millions de dollars. Cette dynamique a gagné les associations, les fondations et les facultés de médecine qui consacrent une partie de leur budget à la recherche médicale.
Aujourd'hui, des universités aussi prestigieuses que Duke, Columbia, Harvard ou UCSF disposent de centres de médecine intégrée et de nombreuses facultés de médecine proposent des cours de CAM. Quinze pour cent des hôpitaux américains offrent des soins CAM et même les compagnies d'assurance-maladie commencent à rembourser ce type de traitement.
« Médecine-vaudou »
Le contrecoup ne s'est pas fait attendre. « Médecine-vaudou », « escroquerie institutionnalisée », « la science se compromet », voilà ce qu'en disent quelques journaux et des associations comme Citizens for Science in Medicine. Mais le mouvement semble irrésistible. A l'université de Californie d'Irvine, le Dr Zang-Hee Cho utilise l'imagerie à résonance magnétique pour vérifier ce qui se passe dans le cerveau d'un patient subissant un traitement par l'acupuncture. Une étude lancée dans onze Etats et qui durera cinq ans (pour un coût de seize millions de dollars) va vérifier les effets de la glucosamine et du dermatane-sulfate (anciennement appelé chondritine-sulfate B) sur l'arthrite. Le Dr Cho explique sa démarche : « Il s'agit d'ôter de la CAM son caractère mystique et de montrer que les effets thérapeutiques sont bel et bien produits par l'action physique ou chimique d'une méthode ou d'une plante sur l'organisme. Vous verrez qu'avec le temps nous allons améliorer l'acupuncture et qu'on obtiendra avec une seule aiguille ce qu'on obtient aujourd'hui avec vingt. »
Ce qui n'empêche pas d'autres médecins de compter sur le facteur psychologique : « Je crains que, si on élucide le mystère de la CAM, on ne risque de la rendre moins efficace. N'oublions pas qu'il y a des placebos qui font merveille », dit au « Quotidien » le Dr Harvey Spillmann, de San Francisco.
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