Dans le marché du cédérom, le secteur du ludo-éducatif tire son épingle du jeu (2,5 millions de cédéroms vendus en 2001 sur le segment des moins de douze ans, soit 25 % du marché, selon GFK). Après avoir exploré les programmes scolaires (à partir de la maternelle), la nouvelle tendance est de contribuer au développement de l'enfant par le jeu. Soit des jeux élaborés, aussi captivants que ceux des plus grands mais adaptés à leur âge, soit des cédéroms d'éveil à partir d'un an ! Et les parents achètent. Le ludo-éducatif les rassure.
Le jeu pour enfant doit être non violent et encourager des valeurs comme l'amitié, la tolérance, le partage.
Mais il lui faut aussi plaire aux enfants qui assureront son succès. Les éditeurs de jeux ont donc de plus en plus recours aux conseils de psychologues et à l'organisation de tests auprès des enfants.
L'éveil des tout-petits
Pour s'adresser aux tout-petits, nouveau créneau porteur, les éditeurs ont d'abord pensé aux parents, soucieux de faire entrer leur progéniture dans la société du multimédia le plus tôt possible. Pour le reste, il n'y avait qu'à compter avec la fascination exercée précocement par les écrans, puis, dès 2 ans, avec le désir de faire comme les grands. Le concept des cédéroms d'éveil était né. Adiboud'chou a fait ses premiers pas il y a deux ans, avec trois jeux différents destinés aux 2-4 ans vendus à 75 000 exemplaires. Un résultat suffisamment encourageant pour faire des émules.
Premier problème à résoudre : la préhension. Les petites menottes de moins de 24 mois n'arrivent pas à manipuler la souris. Qu'importe, elles vont taper sur le clavier (dont les touches sont rendues équivalentes et les fonctions inactives) ou utiliser un matériel spécifique (voir encadré). Ensuite, il faut tenir compte du développement de l'enfant à chaque âge et capter son attention. D'où l'organisation d'ateliers d'enfants pour tester les réactions du jeune public.
Ainsi, Hachette Multimédia se dit sûr que les personnages Salto et Zélia, créés pour sa nouvelle gamme Atout p'tit clic (3-6 ans) vont plaire : « Les ateliers organisés avec des enfants tout au long de la phase de conception démontrent qu'ils s'identifient spontanément et rapidement aux héros. » Ce qui a conforté l'éditeur dans ses choix de formes rondes et de couleur vives qui collent bien en général avec l'univers des jeunes enfants. Enfin, argument décisif : « Le comportement de Salto et Zélia servira de points de repère aux enfants en véhiculant des valeurs d'entraide importantes dans la vie réelle. »
Chez Emme, on a choisi de miser sur une collection à succès de l'édition enfantine. Le poisson Arc-en-ciel de Marcus Pfizter (13 millions d'albums vendus) est devenu le personnage central du premier cédérom pour les 2-4 ans de l'éditeur : « Nous nous sommes appuyés sur les études de comportement des enfants devant un ordinateur, nous avons choisi le thème de la fête avec une interface non linéaire car les petits ne retiennent pas toute l'aventure. »
Il n'y a pas d'obligation de résultat (mais quand on a fait six jeux, on accède au feu d'artifice final), les activités sont ludiques (puzzle, coloriage, pyramide de crabes, dérivée du jeu de cubes). L'attitude des enfants a fait évoluer le jeu : « On avait, par exemple, imaginé une danse des pingouins sur la banquise ; lors du test, tous les enfants criaient "à l'eau" . En définitive, le jeu consiste donc à faire tomber les pingouins à l'eau. »
Mindscape (TLC-Edusoft), s'intéresse aux bébés d'un an avec Lapin Malin Eveil. Les bébés sont intelligents. Les chercheurs l'ont démontré. L'ordinateur est un jouet de plus pour bébé, dit-on chez Mindscape ; bébé bouge la souris ou tape n'importe où sur le clavier et remarque au bout d'un moment qu'il se passe des choses à l'écran. Que son balayage produit de la couleur ou qu'il fait éclater des bulles qui libèrent de petits animaux, etc. A découvrir sur les genoux de papa ou maman, conseille l'éditeur. Pas seulement pour ne pas tomber ou pour éviter de casser l'ordinateur. Mais parce que - tous les psychologues se rejoignent sur ce point - l'ordinateur, surtout à cet âge, ne doit pas servir de baby-sitter. Il faut jouer avec l'enfant pour qu'il ne s'isole pas, et continuer à lui lire des histoires.
Des jeux aussi beaux que ceux des grands
Autre démarche nouvelle chez les éditeurs, soucieux d'échapper à l'éducatif : développer des jeux pour enfants aussi beaux et intéressants que ceux des plus grands.
Pour Roland Oskian, déjà à l'origine des collections Adi et Adibou (7 millions d'exemplaires vendus), le défi à relever est celui d'un grand jeu pour enfants qui exploite toutes les technologies disponibles « pour le plaisir des enfants et avec des objectifs utiles : stimuler l'intelligence, développer l'imaginaire, inciter à l'échange d'idées ». Il lui a fallu quatre ans pour concevoir et développer KiPulKai (un mot prononçable par les enfants du monde entier), premier univers virtuel pour les 7-13 ans, habité par des êtres sensibles et intelligents qui doivent faire face à des maladies ou à des catastrophes écologiques. « Les tests commencent très vite, ce sont des tests individuels de 15 à 30 minutes par jour qui nous permettent de repérer ce qu'ils n'arrivent pas à comprendre ainsi que les idées qui leur viennent et auxquelles nous n'avions pas pensé. C'est intéressant de voir des petits diables obligés de se plier aux lois de l'informatique qui leur imposent des règles. On fait aussi des tests avec des parents un peu férus d'informatique. »
Car les parents restent associés au jeu de l'enfant et, dans la version Internet, sont invités à se connecter pour voir ce qu'a fait leur enfant et régler le temps de connexion. Un groupe de psychologues a contribué à intégrer le jeu pour qu'il participe à l'épanouissement de l'enfant : les méchants ne sont pas trop méchants, pas de parti pris, différentes solutions possibles, appel à des compétences variées. « Même si la découverte de soi demeure plus riche dans la vie réelle, un tel jeu permet d'y contribuer. »
A noter les notions santé - bien-être incluses dans KiPulKai : chaque être doit satisfaire ses besoins (manger, dormir, se soigner) et le sorcier-médecin fabrique les remèdes dans son laboratoire (contre une quinzaine de maladies). Ce sont plusieurs mondes avec un langage propre (500 mots) qui se lancent à la conquête du jeune public (un deuxième titre est prévu en mars).
Etre une alternative au jeu éducatif, c'était déjà le pari (réussi) de l'Oncle Ernest (580 000 exemplaires, traduit en 10 langues), qui sort une nouvelle aventure s'adressant à une tranche d'âge plus jeune : 5-8 ans (au lieu de 8-12 ans pour la première trilogie).
Eric Viénot, enseignant d'arts plastiques, en est l'auteur à succès : « A 8 ans, l'enfant choisit le jeu. Avec l'Oncle Ernest, nous voulions faire oublier les aspects éducatifs et faire appel à la mémoire, à la logique en leur faisant vivre une aventure comme dans un film. Il s'est créé un phénomène d'identification au personnage avec un club de fans qui attend la suite. Pour les 5-8 ans, nous avons beaucoup affiné et réglé les détails pour trouver le bon niveau de difficulté (même si dans la pratique les parents jouent avec les enfants). On a beaucoup travaillé la courbe d'apprentissage avec deux niveaux de difficulté. La boîte à bidules de l'Oncle Ernest repose beaucoup sur l'émotion, c'est son point fort. »
Grandir en cliquant. Et peupler ses souvenirs d'enfance de héros numériques.
« Atout p'tit clic, Salto et Zélia chez les Hippos (3-4 ans), chez les Futots (4-5 ans), chez les Robots (5-6 ans), CD audio des chansons compris, pour PC et Mac, Hachette Multimédia, 31 euros.
« Arc-en-ciel, la grande fête des océans », pour PC et Mac, Lexis Numérique-Emme, 39,90 euros.
« Mon premier lapin malin », coffret avec souris, tapis et coloriage, pour PC et Mac, Mindscape (TLC Edusoft), 39,99 euros.
« KiPulKai », pour PC, Gibcom Multimédia, 45 euros.
« La boîte à bidules de l'Oncle Ernest », pour PC ou Mac, Lexis Numérique-Emme, 39,90 euros.
Le clavier alternatif
Avec le Clavier des bébés sorti à l'automne 2000, Berchet, leader français du jouet, et Génération 5, éditeur de cédéroms, ont fait un malheur : plus de 150 000 exemplaires vendus.
Destiné aux 12-36 mois, il est muni de grosses touches colorées à utiliser pour les jeux des cédéroms qui sont fournis avec (53,20 euros pour PC ou Mac).
Le principe général du clavier (grosses touches associées à une action) a intéressé les professionnels du monde du handicap. D'ou la réalisation du « Clavier alternatif », interface universelle (livré avec des logiciels utilisateurs et un logiciel éducateur) qui permet à des enfants et adultes handicapés mentaux d'accéder à l'ordinateur d'une manière simple et naturelle (109 euros, pour PC).
www.generation5 .fr.
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