Le rôle des conditions économiques dans l'enfance sur la survie à long terme a déjà été étudié. En général, l'effet observé semble modeste et ne concerne essentiellement que les décès par maladies cardio-vasculaires. Contrairement aux autres études précédentes, celle publiée dans BMJ est une étude prospective, représentative de la population générale, puisqu'elle inclut les deux sexes.
Elle s'est donc intéressée à une cohorte incluant tous les sujets nés entre le 3 et le 9 mars 1946 en Angleterre, en Ecosse et au pays de Galle, soit 4 454 personnes (2 132 femmes et 2 322 hommes). Le recueil des données sur la mortalité a commencé en 1971, date à laquelle une visite à domicile a permis de comparer les conditions socio-économiques à la naissance et celles existant à l'âge de 26 ans. Pour la première fois, les conclusions sont en faveur d'une forte corrélation entre le taux de mortalité et les conditions sociales chez l'enfant et le jeune adulte.
Entre l'âge de 26 ans et de 54 ans, 213 personnes sont décédées (120 hommes et 93 femmes). L'analyse met en évidence que le pourcentage des décès mesuré à 54 ans est deux fois plus élevé lorsque les conditions socio-économiques sont défavorables : travail manuel du père, logement et soins de mauvaise qualité. Le niveau d'éducation du père ou de la mère a peu d'incidence.
3 à 5 fois plus de décès
Lorsque les conditions sont mauvaises chez l'adulte jeune (26 ans) : travail manuel et non propriétaire de leur domicile, la mortalité est également deux fois plus importante.
Mais le résultat le plus significatif de ce travail est surtout de montrer que si les mauvaises conditions de l'enfance perdurent chez le jeune adulte, la mortalité est trois fois plus élevée si on la compare à celle des sujets qui ont toujours vécu dans des conditions favorables. Ceux qui ont connu une ascension sociale ou, au contraire, une baisse de leur niveau social, ont des taux intermédiaires.
L'association est encore plus significative si l'on considère l'accès à la propriété. « Ceux qui ont une origine modeste (manuel) et qui ne sont pas propriétaire de leur logement à 26 ans ont presque 5 fois plus de risque de décès que ceux qui ont une origine meilleure et qui sont propriétaires de leur logement », observent Diana Kuh et coll., les auteurs.
Les résultats sont les mêmes chez les hommes et chez les femmes. Seule la cause de la mort diffère. Chez l'homme, la cause de la mort est pour un tiers une maladie cardio-vasculaire, pour un tiers un cancer et pour l'autre tiers une autre cause. Chez la femme, la moitié des décès sont dus au cancer.
En choisissant une cohorte de personnes nées après la seconde guerre mondiale, les chercheurs s'attendaient à ce que ces inégalités de la mortalité s'estompent. En effet, des programmes d'éducation et de soins ont été mis en place pour assurer à cette génération qui a connu le rationnement alimentaire, un meilleur départ dans la vie. « De toute évidence, ce n'est pas le cas », concluent-ils.
* Vol. 325, 9 novembre 2002.
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