En dépit de tous les efforts de prévention et d'information déjà accomplis, la brûlure en milieu urbain reste un fléau social, surtout chez l'enfant. C'est la principale conclusion de l'analyse épidémiologique des 14 405 patients brûlés (tous âges confondus) pris en charge entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 2001 par la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris, qui a sous sa responsabilité Paris et les 3 départements limitrophes de la petite couronne, soit 6 millions d'habitants.
L'étude a été réalisée à partir des fiches d'intervention des ambulances non médicalisées et des fiches d'observation médicale des ambulances de réanimation des sapeurs-pompiers. « A ma connaissance, c'est la première étude de cette ampleur en France », dit au « Quotidien » le Pr Jean-Jacques Kowalsky (Service de santé des Armées).
1 404 interventions en 2001
1 801 interventions sont réalisées chaque année.
Si l'on considère l'ensemble des patients, quel que soit leur âge entre 1 mois et 102 ans, on s'aperçoit qu'avec 1 404 interventions en 2001, le nombre de brûlures pris en charge est en diminution depuis 1997. Lors de cette dernière année de l'étude, trois patients de plus de 100 ans ont été pris en charge pour la première fois. Cependant 65 % d'entre eux appartiennent à la tranche des 20-59 ans, tranche dite active.
Dans 23,84 % des cas, il s'agit de brûlures sans gravité et le patient est laissé sur place. Dans les autres cas, le patient est orienté soit vers un service d'urgence générale ou un service de réanimation polyvalente (63,11 % des cas), soit vers des urgences spécialisées ou un centre de brûlés (11,67 %).
Le nombre de brûlures qui ont nécessité une intervention médicalisée est de 217, soit un taux de médicalisation de 12,04 % sur 8 ans. Sur l'ensemble des 4 départements, la Brigade des sapeurs-pompiers, avec 7 ambulances de réanimation, a assuré 50,02 % de ces interventions. Selon Jean-Louis Fortin, rapporteur de l'étude à la Conférence de réanimation pré-hospitalière, « le taux de médicalisation était relativement stable jusqu'en l'an 2000. On note, en 2001, un taux de médicalisation de 19,08 % qui correspond à une augmentation du nombre de brûlures graves et à une meilleure prise en charge des brûlures, notamment en ce qui concerne la sédation pré-hospitalière ».
Concernant les circonstances de survenue, les accidents domestiques sont majoritaires avec 46,1 %. Dans 25,5 % des cas, il s'agit d'accidents professionnels et dans 17,9 % d'un incendie. Les brûlures par flammes sont les plus nombreuses (58,6 %), loin devant les brûlures par liquides chauds, surtout l'eau (27,7 %), ou les brûlures chimiques et électro-thermiques. Dans Paris intra muros, ce sont les arrondissements du centre (1er et 2e) qui ont l'incidence la plus élevée, tandis que la Seine-Saint-Denis est le département le plus touché et celui qui a la tranche d'imposition le plus faible.
Attention à l'eau chaude
Si l'on analyse la tranche d'âge des enfants de 8 mois à 4 ans (1 980 au total) quelques particularités ressortent. Les brûlures de l'enfant sont principalement dues aux accidents domestiques (95,1 %) et le principal agent vulnérant est représentée cette fois par les liquides chauds (eau : 78 % et huile : 5,7 %). Contrairement à la population totale étudiée, le nombre de brûlures dans cette tranche d'âge est en augmentation depuis 1997. En 2001, la progression observée a été de 37 % par rapport à l'année 2000. Le département le plus concerné par cette élévation est encore la Seine-Saint-Denis. L'évolution reste stable dans Paris intra muros, avec une incidence moyenne annuelle plus forte dans les arrondissements du nord et du nord-est. Là encore, les arrondissements les plus pauvres (10e, 18e, 19e et 20e) sont plus touchés que les plus riches (6e, 7e, 8e, 16e). Le taux de médicalisation est plus élevée avec 16,32 % en moyenne et est en constante progression depuis 1997.
Environ 22 % des enfants présentent une brûlure sans gravité et sont laissés sur place, 67 % sont dirigés vers un service d'urgence et 8 % directement dans un service spécialisé.
Quant à la mortalité pré-hospitalière, elle est en moyenne de 24,5 décès par an pour l'ensemble des brûlés (tous âges confondus), alors qu'elle est de 5,25 par an chez l'enfant.
« L'intérêt de cette étude est de montrer que les besoins en lit de brûlés sont réels alors qu'aujourd'hui il y en a de moins en moins », conclut un des auteurs, Michel Ruttiman, médecin de la BSP.
La prise en charge des brûlures graves
La prise en charge initiale d'un patient gravement brûlé relève essentiellement de la réanimation.
- L'oxygénothérapie s'impose pour préserver la fonction respiratoire devant toute brûlure grave ou si les circonstances de l'accident évoquent une intoxication au CO ou aux cyanures, quelle que soit la gravité.
- Une perfusion à haut débit est mise en place dès que la brûlure dépasse 10 % de la surface corporelle. C'est une urgence absolue. C'est en effet de la rapidité de la mise en place des perfusions que dépend, en grande partie, l'évolution à court terme (risque de choc hypovolémique) et à long terme : des études ont démontré qu'un retard à l'institution de la réanimation hydroélectrique favorise les défaillances multiviscérales et augmente la mortalité.
- Le refroidissement de la brûlure, la mise sous antalgiques ou sédatifs (essentiellement les morphiniques) complètent cette première prise en charge.
- Le traitement de la lésion cutanée est secondaire à une phase précoce (compresses stériles). Dans les premières heures, le traitement local sera réalisé sous anesthésie générale : parage avec excision des phlyctènes et pansement adapté (tulle vaseliné, sulfadiazine d'argent...). Une incision de décharge est pratiquée dans les 4 ou 5 premières heures, en cas de brûlures profondes circulaires et excision greffe dans les 24 premières heures si les brûlures empêchent la stabilisation hémodynamique.
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