Aider les femmes à abandonner le tabac avant une grossesse

Publié le 29/09/2002
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L'association Alliés ( « des médecins qui s'engagent pour aider les fumeurs à conquérir leur liberté ») a présenté les résultats d'une enquête grossesse/tabac réalisée en 2002. Objectif de cette étude : établir une description du profil de la femme fumeuse au travers d'un sondage national centré sur le post-partum immédiat dans les maternités. Cette étude se proposait également d'apporter une réponse aux trois questions suivantes : les femmes enceintes et les parturientes connaissent-elles les risques liés au tabac pour elles-mêmes et leur bébé ? Les médecins sont-ils sensibilisés au rôle qu'ils ont à jouer dans le sevrage tabagique ? Les traitements optimums sont-ils mis en œuvre pour ces femmes ? Les résultats de ce sondage permettent à Alliés d'affirmer que la réponse à ces trois questions est actuellement «  non ».

Sus au conjoint fumeur
Sensibilisée aux risques du tabac, l'immense majorité des fumeuses tente d'arrêter ou de diminuer sa consommation durant leur grossesse. Parmi les fumeuses qui arrêtent, les trois quarts le font avant la fin du premier trimestre de grossesse. Celles qui persistent malgré tout diminuent notablement leur quantité de cigarettes. Enfin, une femme sur deux qui stoppe le tabac juste avant ou pendant sa grossesse ne refumera plus. Les études réalisées en Europe et aux Etats-Unis prouvent qu'avec une prise en charge médicalisée on peut réduire de 20 à 35 % le tabagisme des femmes enceintes et limiter ainsi les risques pour elles-mêmes et leur bébé.
L'enquête Alliés révèle que, si les femmes enceintes sont sensibilisées aux risques du tabac, elles les méconnaissent néanmoins. Ainsi, 25 % des femmes interrogées ne savent pas que les fumeuses font des bébés plus petits et, quand elles le savent, elles pensent que cela permet un accouchement plus facile ! A la fois par manque d'information et par déni psychologique, elles continuent dans l'ensemble à sous-évaluer nettement les risques d'accouchement à problème (césariennes en urgence, infections, phlébites, etc.) et les difficultés auxquelles cela expose leur bébé (prématurité, asthme, etc.).
Le profil de la femme enceinte qui continue à fumer est celui d'une femme plus jeune, plus souvent seule et au chômage (16 %) et plutôt moins instruite et informée que la moyenne (47 % d'entre elles n'ont pas le bac). Les fumeuses sont également davantage soumises au stress. En outre, 78 % des fumeuses sont entourées de fumeurs (proches ou professionnels), contre 46 % chez les non-fumeuses, et elles ont deux fois plus souvent un conjoint fumeur. Des résultats qui impliquent que la loi Evin ne semble pas respectée au travail, mais aussi qu'il ne suffit pas de traiter la femme enceinte, il faudrait également traiter son conjoint.

Systématiser la prise en charge médicalisée

Traiter : tel est le maître mot qui ressort de cette enquête. Chez les fumeurs qui tentent d'arrêter seuls, on enregistre en effet un score de 95 % d'échec à un an. Or, on dispose aujourd'hui de solutions efficaces dans l'aide au sevrage : substituts nicotiniques, bupropion (Zyban)... Si ce dernier est contre-indiqué chez la femme enceinte, il peut toutefois être utilisé « dans la perspective » d'une grossesse. Période de choix pour arrêter. Or, 84 % des femmes enceintes n'ont pas été questionnées par leur médecin sur une éventuelle tentative d'arrêt - question pourtant primordiale. Et seules 0,5 % des femmes reçoivent un substitut nicotinique, seule aide efficace pour les fumeuses dépendantes. L'orientation vers une consultation spécialisée ne concerne que 7 % des fumeuses en fin de grossesse.
Bref, manque d'information, prise en charge médicale très insuffisante... L'amélioration de la prise en charge des fumeuses enceintes ou désireuses d'enfant est indispensable. Beaucoup de médecins pensent encore qu'il suffit de fumer moins, quand ils n'estiment pas qu'il vaut mieux continuer à dose réduite pour éviter au fœtus le stress du sevrage. Erreur. En effet, les fumeuses compensent en inhalant plus intensément. Résultat : maintien du taux de nicotine et augmentation des autres toxiques avec l'augmentation du niveau de combustion (oxyde de carbone, goudrons...). La solution passe par des substituts nicotiniques à doses efficaces. Pendant la grossesse et l'allaitement, les formes séquentielles sont les plus adaptées (comprimés, gommes, inhalateurs). Les patchs (à retirer pendant la nuit) sont à réserver aux grandes fumeuses.
La perspective de grossesse chez la femme jeune doit en faire une patiente privilégiée et une candidate prioritaire au sevrage : les risques spécifiques du tabac doivent lui être tout particulièrement expliqués et sa prise en charge médicale doit être renforcée. Entamer un sevrage avant sa grossesse reste encore la solution la plus aisée et la plus recommandée. Outre les médecins généralistes, les gynécologues-obstétriciens ont ici un important rôle à jouer.

Hélène GRILLON

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7187