Alors que l'obésité de l'enfant et les troubles du comportement alimentaire chez l'adolescent deviennent majeurs et inquiétants, les pédiatres de l'Observatoire de l'alimentation infantile (OAI) se sont interrogés sur le suivi alimentaire du jeune enfant de 0 à 3 ans et son rôle dans l'avenir nutritionnel de l'enfant. Créé à l'initiative du Syndicat français des aliments de l'enfance (SFAE), l'OAI regroupe plusieurs spécialistes de la petite enfance (voir encadré).
Un questionnaire a été adressée à 12 000 praticiens, pédiatres et généralistes à tendance pédiatrique, et 2 000 réponses ont été enregistrées à ce jour. Pour 63 % des médecins interrogés, l'équilibre nutritionnel est capital dans le développement psychomoteur de l'enfant et pour 92 % l'alimentation des bébés peut prévenir l'obésité et les allergies alimentaires (74 %).
« Ils sont également conscients de l'importance de l'alimentation infantile dans la prévention des maladies métaboliques telles que le diabète ou les pathologies cardio-vasculaires, à la fois par la qualité de l'alimentation pendant la phase clé du développement qu'est la petite enfance et par l'acquisition de pratiques alimentaires durables au-delà de l'enfance », précise le Dr Jacques Langue, pédiatre et membre de l'OAI.
Pourtant, l'implication des médecins dans le suivi alimentaire faiblit nettement avec l'âge de l'enfant : si 98 % d'entre eux mettent en place un suivi régulier entre 0 et 4 mois et 99 % entre 4 mois et 1 an pour la diversification, ils ne sont plus que 47 % à l'exercer au-delà de 2 ans et 39 % après 3 ans, qui semble être l'âge où une dérive des pratiques alimentaires peut aisément s'installer. Du côté des parents, même constat : alors qu'ils sont 90 % à s'intéresser au suivi alimentaire de leur enfant jusqu'à l'âge de 1 an, ils ne sont plus que 19 % entre 2 et 3 ans.
Un espace interactif
Pour lutter contre ce désintérêt des professionnels de santé et des parents, les pédiatres de l'OAI ont proposé, dans cette même enquête, la réalisation d'un carnet de suivi alimentaire : une idée plébiscitée par 90 % des médecins interrogés, 97 % d'entre eux étant prêts à le tester rapidement auprès des familles.
Ce carnet serait conçu comme « un espace interactif entre le médecin prescripteur et les familles » : 86 % des médecins souhaitent qu'il soit rempli à la fois par la famille et les médecins, 62 % souhaitent y voir apparaître des espaces de prescription, un système d'enquête alimentaire (50 %), une courbe d'IMC (50 %) et également une évaluation de l'activité physique (50 %).
« Deux objectifs ont guidé la création de ce carnet de suivi, explique le Pr Bertrand Chevallier :
- permettre au médecin la rédaction de conseils nutritionnels en accord avec les recommandations nutritionnelles actuelles ;
- donner aux parents la possibilité de noter le déroulement de l'alimentation de leur enfant : les difficultés rencontrées, le calendrier d'introduction des aliments sur la base de repères simples... Il faut que les parents puissent s'approprier ce carnet de suivi alimentaire, ce qu'ils n'osent pas faire avec l'actuel carnet de santé. »
En effet, si le carnet de santé actuel est un outil indispensable et très apprécié des médecins et des parents, il contient très peu d'éléments concernant l'alimentation de l'enfant.
Un projet séduisant
« Les parents sont pourtant demandeurs d'informations sur les différentes étapes de l'alimentation de l'enfant pendant les premières années de sa vie, qu'il s'agisse de l'allaitement maternel ou artificiel, de l'apprentissage progressif de la diversification, du passage à l'alimentation des plus grands et de la prise en charge des troubles digestifs mineurs, qui, sans être graves, peuvent être des sources d'angoisse », déplore le Dr Marie-France Le Heuzey, pédopsychiatre à l'hôpital Robert-Debré et membre de l'OAI.
L'objectif du carnet de suivi alimentaire est de mieux répondre à ces questions sans se substituer au carnet de santé actuel. Sa forme définitive reste à préciser : il pourrait s'agir d'un document à part entière ou bien d'un cahier mobile inséré dans le carnet de santé, remis par le médecin lors de la première consultation de l'enfant. Projet séduisant, il devrait être testé auprès des familles par les pédiatres et les médecins généralistes, en concertation avec les pouvoirs publics, dans les prochains mois.
L'OAI, une mission d'observation, d'investigation et d'information
Créé en 2001 à l'initiative du Syndicat français des aliments de l'enfance (SFAE), l'Observatoire de l'alimentation infantile regroupe des spécialistes de la petite enfance. Son conseil scientifique est composé du Pr Bertrand Chevallier (chef de service de pédiatrie de l'hôpital Ambroise-Paré à Boulogne), président de l'OAI, du Dr Jacques Langue (pédiatre libéral à Lyon) et du Dr Jean-Loup Allain, secrétaire général du SFAE. Des membres experts et des experts de l'industrie agissant au nom du SFAE participent également à l'OAI.
Ses missions sont avant tout l'investigation et l'observation, grâce à la mise en place d'un système d'observation efficace du suivi alimentaire du jeune enfant, et l'information du grand public, des professionnels de santé et des pouvoirs publics en matière de nutrition infantile.
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