L'ANCIC**, lieu de réflexion et d'observation des pratiques contraceptives et d'avortement, se félicite de « la loi unique sur la contraception et l'IVG », promulguée le 7 juillet 2001.
Le Dr Paul Cesbron parle d' « un gain » pour la santé publique. La possibilité pour toutes les adolescentes d'accéder à la contraception en médecine de ville, sans l'autorisation des parents, (comme c'était le cas par le passé) et de manière anonyme, dans les centres du Planning exclusivement, « est un grand pas ». Il en va de même pour la contraception d'urgence en pharmacie, ou la stérilisation volontaire, qui devient accessible. Sur ce dernier point, un protocole spécifique concernant les handicapées est en cours d'élaboration (décret en Conseil d'Etat).
Toutefois, une attente de l'ANCIC n'a pas été satisfaite pour l'instant. Les 800 centres d'orthogénie, dont les 500 centres publics qui pratiquent les deux tiers des IVG (à Paris, le privé assure une couverture identique), ne sont pas associés « de façon organique », dans leur fonctionnement, aux 500 à 600 lieux de consultation du Planning familial ; les premiers relèvent de l'Etat, les seconds, des départements. Le double financement qui en découle est « source de dysfonctionnement », affirme le Dr Paul Cesbron. Une « structure commune » permettrait de mieux informer les femmes, les personnels de santé et la population générale.
Des échecs contraceptifs
Mais alors, pourquoi, dans ce contexte « presque parfait », dans un pays où les méthodes contraceptives sont à la portée de toutes, avec la venue récente d'implants progestatifs et la promotion du stérilet à progestérone, existe-t-il des échecs de la contraception ? « Cela tient à des situations à risque multifactorielles vécues par les femmes », explique Nathalie Bajos, auteur d'une enquête INSERM sur les « grossesses non prévues » (« le Quotidien » du 3 octobre 2000). Tout d'abord, on observe fréquemment « une inadéquation des méthodes contraceptives et des conditions d'existence affectives et sexuelles ». « Il y a opposition entre la logique médicale de recherche d'efficacité maximale du praticien qui prescrit la pilule et une patiente ayant par exemple une activité sexuelle très irrégulière au point d'oublier de prendre son contraceptif », dit au « Quotidien » la socio-démographe. Autre facteur : « L'absence de reconnaissance sociale de la sexualité » conduit à des déboires, et les très jeunes, qui, pour leur entourage, « ne sont pas en âge d'avoir des rapports sexuels », ne sont pas les uniques personnes concernées. Des femmes, pas seulement maghrébines, chez qui la sexualité n'est « pas admise comme légitime », ne sont pas en mesure d'accéder à la contraception.
Des enjeux sociaux et relationnels
Mais « être capable de maîtriser sa vie reproductive », c'est pouvoir gérer plus largement sa vie quotidienne. Or, là encore, les femmes exposées « à la précarité affective et sociale » sont pénalisées. D'autre part, par rapport aux « normes sociales » de beaucoup de milieux, les Françaises « mettent en avant, prioritairement, le plaisir sexuel des hommes (qui passe par la pénétration), le préservatif limitant alors celui-ci ». Il s'ensuit que, lors d'une demande contraceptive en cours, par exemple, le partenaire refuse d'utiliser un préservatif. Il arrive aussi qu'une femme se croit infertile à tort, à moins que ce ne soit son médecin qui « lui signifie, la préménopause venue, qu'elle est inféconde, voire hypofertile » (c'est le cas dans une IVG sur 10 000). Sans oublier les femmes « ambivalentes », qui ont recours à la « grossesse test » de manière à prendre une décision dans leur couple. Au total, dit Nathalie Bajos, dans l'attente d'une contraception masculine, « très souhaitée par les Françaises », il revient aux femmes, au sein du colloque singulier avec le prescripteur, de « s'approprier leurs choix contraceptifs. C'est à chacune d'elles d'opter pour la méthode qui correspond à son mode de vie et à son plaisir ».
En même temps, il est indispensable « d'informer et de former les médecins sur les enjeux sociaux et relationnels de tous les moyens contraceptifs ».
En ce qui concerne l'IVG, note le Dr Paul Cesbron, le délai légal à 14 semaines d'aménorrhée, « après un flottement quant à son application au cours des 3-4 premiers mois », est respecté sur l'ensemble du territoire. « Là où une femme rencontre des difficultés, elle peut trouver une porte ouverte dans le même département. » L'allongement du délai légal, selon le gynécologue-obstétricien, n'apporte pas plus de une à deux IVG supplémentaires par département et par semaine.
Au-delà de 14 semaines, le législateur a prévu la possibilité de prendre en charge les femmes dans le cadre de l'interruption médico-ftale de grossesse, élargissant cette dernière aux problèmes de santé physique et psychique rencontrés par la patiente (décret en Conseil d'Etat à paraître).
L'ANCIC approuve la suppression de l'entretien social pour les adultes, associée, insiste-t-elle, à l'obligation pour les centres d'orthogénie de se doter « de personnels d'accueil, d'écoute et d'accompagnement ». Pour les mineures, la possibilité de dispense d'autorisation parentale est ressentie comme une levée d'écrou, « principalement, pour quelque 400 (en très grande difficultés relationnelles avec leurs parents) des 4 000 adolescentes qui avortent chaque année, sur les 6 000 tombant enceintes ». Entre 7 et 10 pour 1 000 moins de 18 ans se font avorter annuellement, contre 20 chez les adultes. « Et, soyons clairs, tient à faire remarquer le Dr Paul Cesbron, il n'y a pas de lien entre l'évolution démographique et les IVG. Les naissances ont progressé de 710 000 en 1999 à 750 000 l'année dernière, tandis que le nombre d'IVG est resté stable à 220 000. »
* Tél. 02.47.42.55.31.
** Tél. 04.78.35.61.51.
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