LE QUOTIDIEN - En quoi l'histoire et la philosophie d'Actelion sont-elles originales ?
Dr Annick SCHWEBIG - Tout d'abord parce que les quatre créateurs, Martine et Jean-Paul Clozel, Thomas Widman et Walter Fischli, sont tous des scientifiques qui, pendant plusieurs années, ont travaillé au sein du laboratoire Roche pour mettre au point des molécules destinées à lutter contre les maladies liées aux dysfonctionnements de l'endothélium. Travaux qui avaient abouti à la découverte de deux antagonistes de l'endothéline, le bosentan et le tézosentan. Pour des raisons stratégigues, le Laboratoire Roche a décidé d'interrompre ses recherches, ce qui a conduit les quatre chercheurs à la décision de créer Actelion, afin de poursuivre leurs travaux sur l'endothélium. Quelques mois plus tard, Roche leur a cédé ses droits de développement de ces deux molécules.
Par ailleurs, les créateurs d'Actelion ont la volonté de se consacrer à des pathologies pour lesquelles on ne dispose pas encore de solutions thérapeutiques satisfaisantes, même si ces pathologies sont rares.
L'hypertension artérielle pulmonaire
Quels sont les développements des deux molécules récupérées par Actelion ?
Le développement du bosentan a été effectué dans deux directions qui correspondent à la définition que je viens de donner : tout d'abord, l'hypertension pulmonaire avec un développement exemplaire pour sa rapidité. Une première étude portant sur 32 patients a conduit à des résultats très positifs, présentés lors du dernier congrès de l'American Heart Association, ce qui a conduit à une étude de plus grande ampleur (plus de 200 patients). Des études très rapidement mises en route grâce à la réactivité des cadres d'Actelion. En très peu de temps, des dossiers ont pu être déposés auprès des agences européennes et américaines, le bosentan se voyant attribué parallèlement le statut d'Orphan Drug. Il est à noter que la France a pris une part active à ces recherches à côté des équipes américaines.
Le développement du bosentan se fait également dans une autre indication, l'insuffisance cardiaque chronique aux stades IIIb et IV, c'est-à-dire à des stades où, là encore, l'efficacité thérapeutique est limitée. Un grand programme clinique est actuellement en cours à ce sujet (ENABLE I et II).
L'autre molécule, le tezosentan, fait l'objet d'un développement dans l'insuffisance cardiaque aiguë, une pathologie fréquente et pour laquelle le thérapeute est souvent démuni. La présentation de l'étude RITZ II met en évidence des résultats très encourageants sur l'hémodynamie, mais aussi sur la symptomatologie. D'autres études sont en cours pour évaluer sur une plus grande cohorte les effets du tezosentan en I.V. sur les symptomes de l'insuffisance cardiaque aiguë, y compris la dyspnée ; d'autres essais porteront sur les OAP et sur les syndromes ischémiques.
Partenariat et introduction en Bourse
Comment une jeune structure peut-elle financer un plan de développement si rapide ?
Encore ne s'agit-il là que de la recherche clinique. Il faut savoir que, parallèlement, Actelion s'est doté d'un centre de recherche ultramoderne, près de Bâle, qui emploie près de 80 personnes et qui a déjà produit plusieurs axes de recherches prometteuses.
Mais il est clair que le développement clinique a un coût important et qu'au total Actelion emploie aujourd'hui quelque 250 salariés travaillant en Suisse, mais aussi dans les filiales françaises, américaines, canadiennes, allemandes et italiennes.
Pour assurer ce développement, Actelion a développé des partenariats : avec Genetech pour la commercialisation du bosentan et du tezosentan sur le territoire américain. Avec Johnson and Johnson pour le développement de recherches précliniques sur deux molécules prometteuses. Par ailleurs, Actelion a été introduit sur le nouveau marché suisse en avril 2000, avec un grand succès, à peine démenti par les turbulences actuelles des nouveaux marchés.
Comme les créateurs d'Actelion, vous venez d'un grand groupe pharmaceutique. Comment expliquez-vous ce mouvement ?
Pour ma part, je dois dire que j'ai beaucoup appris lors de mes années passées chez BMS. Les créateurs d'Actelion pourraient en dire de même certainement pour leurs années passées chez Roche.
Mais je pense que, les uns et les autres, nous avons ressenti le besoin de tourner une page, de nous retrouver dans un projet où la priorité est donnée à des recherches sur des pathologies graves pour lesquelles médecins et patients disposent de peu de solutions thérapeutiques. Je ne dis pas que les grands groupes ne peuvent répondre à ces demandes, mais je pense que les petites structures jeunes ont une réactivité plus grande, une capacité à prendre des risques calculés, mais non négligeables.
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