L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) alerte ce 19 décembre sur la persistance des prescriptions « non conformes » de fluoroquinolones, dont les effets indésirables potentiellement sévères, très rares mais « parfois invalidants et irréversibles », sont censés en limiter l’utilisation à « certaines indications très limitées ».
« Face à la persistance du mésusage des fluoroquinolones, l'ANSM alerte de nouveau les prescripteurs sur le respect indispensable des référentiels de prescription », indique un communiqué de l’agence qui s’appuie sur les résultats d’une nouvelle étude Epi-Phare (ANSM/Cnam).
La prescription des fluoroquinolones (ciprofloxacine, délafloxacine, lévofloxacine, loméfloxacine, moxifloxacine, norfloxacine, ofloxacine) est encadrée en raison d’effets indésirables graves à type de tendinopathies voire rupture de tendon, de troubles cardiaques et vasculaires, de neuropathies périphériques, de troubles neuropsychiatriques (hallucinations, psychoses, troubles de la mémoire) ou encore de photosensibilisation. Ces effets peuvent survenir dès les premières heures de traitement ou dans les jours qui suivent. Sans compter que leur utilisation augmente le développement de résistances bactériennes.
« Les deux tiers des prescriptions en 2023 seraient non conformes aux recommandations les plus récentes, exposant les patients à des risques d’effets indésirables très rares mais graves, parfois invalidants et irréversibles », constate l'ANSM, rappelant que les fluoroquinolones « doivent être évités dans des situations où d'autres antibiotiques peuvent être utilisés ».
Le mésusage se concentre lors du traitement des infections urinaires et prostatiques
Ces antibiotiques ont longtemps été prescrits de manière inappropriée, en décalage avec les recommandations sanitaires. Les autorités ont progressivement durci les conditions de prescription (l’Agence européenne du médicament en a restreint les indications de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) en 2019), entraînant une baisse de la consommation en une décennie.
La nouvelle étude du groupement Epi-Phare a analysé l'évolution du mésusage des fluoroquinolones par voie orale chez les adultes et révèle une baisse de 59 % du volume de prescriptions entre 2014 et 2023. Mais elle note « la persistance préoccupante de non-conformités aux recommandations récentes », en particulier chez les femmes et les patients âgés de 75 ans et plus.
Si on se base sur les critères antérieurs (indications de l’AMM et recommandations de la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf) 2015), les prescriptions hors cadre en 2023 concernaient surtout les infections respiratoires (33 à 46 % des cas), suivies des infections oto-rhino-laryngologiques (ORL, 29 à 33 %), puis des infections urinaires et prostatiques (4 à 10 %). Mais si l’on suit les référentiels les plus récents (indications révisées en 2019 et recommandations 2021 de la Haute Autorité de santé (HAS), « les infections urinaires et prostatiques représentent 64 à 65 % des usages non conformes, tandis que les infections respiratoires et ORL ne comptent plus que pour 14 à 16 % des cas ».
La responsabilité du médecin sous l’œil de la justice
Avant toute prescription de fluoroquinolones, l’ANSM demande de se référer aux recommandations de bonne pratique actualisées de la HAS, à celles de la Spilf et au guide du groupe de pathologie infectieuse pédiatrique.
Sur le plan judiciaire, une soixantaine de plaintes, déposées à partir de 2022 par des patients victimes d'effets indésirables majeurs, ont donné lieu à des investigations du pôle santé publique du parquet de Paris, qui a finalement classé ces plaintes sans suite.
Le parquet a toutefois transmis les dossiers aux parquets de résidence des plaignants afin qu'ils examinent une éventuelle faute « commise lors de la prescription » de ces antibiotiques « par le médecin », et l'éventuel lien entre les effets indésirables et les fluoroquinolones.
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