Et si l’intelligence artificielle (IA) pouvait aider à prédire les comportements suicidaires ? Telle est la perspective ouverte par une étude franco-canadienne parue hier dans Scientific Reports et conduite dans une population d’étudiants par des chercheurs de l’Inserm, de l’Université de Bordeaux et des Universités de Montréal et McGill.
« Les étudiants sont [particulièrement] vulnérables aux problèmes de santé mentale et aux idées et comportement suicidaires », rappellent les auteurs de l’étude. Comme le souligne l’Inserm, le suicide constitue en effet la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans, et les étudiants apparaissent particulièrement touchés. D'où l'importance de détecter précocement les étudiants à risque. Malheureusement « il est difficile de repérer [ceux] avec des pensées ou des comportements suicidaires à cause des ressources limitées des campus, et parce que les étudiants semblent réfractaires au partage des informations concernant leur santé mentale », déplorent les auteurs. Ainsi ces derniers se sont-ils donné pour objectif de « développer un algorithme [...] permettant d’identifier les principaux prédicteurs des pensées et comportements suicidaires chez les étudiants ».
Pour ce faire, les auteurs ont recruté plus de 5 000 étudiants français. Chacun des participants à rempli deux questionnaires d'abord à leur inclusion dans l'étude, puis un an plus tard. Ces questionnaires interrogeaient les participants sur leurs caractéristiques sociodémographiques (âge, année d’étude, bourse, type de logement), leurs antécédents personnels et familiaux (antécédents parentaux de dépression, handicap et santé perçue, etc.), leur état de santé physique et mental, leurs conditions et habitudes de vie (temps passé devant les écrans, qualité du sommeil, etc.), leur consommation de drogues et d’alcool, etc. ainsi que sur d'éventuelles pensées suicidaires et tentatives de suicide expérimentées au cours de 12 derniers mois. Au total, « nous avons pris en compte les évaluations de base de 70 prédicteurs potentiels » classiquement pris en compte par les échelles et tests utilisés en psychiatrie, que l'algorithme devait alors être capable de classer, expliquent les chercheurs.
L’estime de soi parmi les principaux prédicteurs de suicide
Résultat : « l’étude [révèle] que parmi [les] 70 prédicteurs potentiels mesurés à l’inclusion, quatre permettent de détecter environ 80 % des comportements suicidaires lors du suivi », résume l’Inserm dans un communiqué. Parmi ces facteurs prédictifs principaux figurent, comme on pouvait l’attendre, les antécédents récents – dans les 12 mois précédent l’inclusion – de pensées suicidaires (qui consituait le prédicteur le plus important, quantitativement, précisent les auteurs), les symptômes de dépression, l’anxiété, mais aussi, de façon plus surprenante, l’estime de soi. « Les spécialistes de santé mentale dans nos équipes ne s’attendaient pas à ce que [ce paramètre] fasse partie des quatre facteurs prédictifs majeurs des comportements suicidaires », souligne Mélissa Macalli, doctorante en épidémiologie et auteure de l’étude.
Pas d’influence du soutien parental perçu
Autre fait étonnant : « la prédiction des pensées et des comportements suicidaires n’a pas été influencée [selon notre modèle] par les traumatismes dans l’enfance ou le soutien parental perçu, qui sont généralement fortement associés au [suicide] chez les jeunes adultes », rapportent les auteurs, qui rappellent qu’association ne signifie pas prédiction.
Devant ces résultats, les auteurs concluent donc à l’intérêt de l’intelligence artificielle en psychiatrie, et ce à la fois dans une perspective de recherche (compréhension des mécanismes sous-jacents au suicide) et de prévention. En la matière, les chercheurs avancent que l’identification d’un faible nombre de facteurs prédictifs majeurs des comportements suicidaires peut « aider à développer un outil de dépistage à grande échelle pour les étudiants », qui pourrait prendre la forme d’un court questionnaire en ligne proposé systématiquement lors de l’entrée à l’université.
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