L'acétate de cyprotérone (Androcur) multiplie par sept le risque de méningiome chez des femmes traitées à fortes doses avec ce médicament pendant plus de 6 mois, selon une étude menée par l'Assurance-maladie et le service de neurochirugie de l'hôpital Lariboisière. Ce dérivé de la progestérone est notamment indiqué en cas d'hirsutisme chez la femme. Il fait également l'objet de nombreuses indications hors autorisation de mise sur le marché (il est notamment utilisé chez les transsexuels pour ses propriétés anti-androgéniques).
Cette étude, dont les résultats complets seront publiés dans les mois à venir, permet de quantifier un phénomène déjà suspecté. En effet, dès 2009, la France alertait l'Agence européenne des médicaments (EMA) sur le risque potentiel de méningiome en lien avec la prise d'acétate de cyprotérone. Ce risque est ainsi mentionné depuis 2011 dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP).
Un risque probablement sous-estimé
Quelque 250 000 femmes exposées au traitement ont été incluses et suivies pendant 8 ans (durée moyenne de 3 ans). Parmi elles, 140 000 ont été exposées à au moins 3 g d'acétate de cyprotérone au cours des 6 premiers mois de traitement.
Une relation dose-effet a été mise en évidence. En comparaison à des femmes exposées à de faibles doses et qui ont arrêté le traitement, le risque de méningiome est augmenté par 20 chez des femmes exposées à une dose cumulée supérieure à 60 g (soit plus de 5 ans de traitement). L'âge est un facteur de risque supplémentaire. « Le risque est probablement sous-estimé, car nous n'avons pris en compte que les méningiomes opérés », précise au « Quotidien » le Pr Sébastien Froelich, chef du service de neurochirurgie de Lariboisière.
Si les méningiomes sont majoritairement bénins, « les méningiomes liés à l’acétate de cyprotérone sont souvent multiples et peuvent, en grossissant, être à l'origine d'un déficit fonctionnel important, de symptômes sévères comme des troubles visuels », explique le Pr Froelich.
En revanche, les méningiomes régressent dès l'arrêt du traitement. « Ce qui est un élément en faveur d'un lien de cause à effet très fort », note le Pr Froelich. La survenue de méningiomes conduit à des opérations chirurgicales qui pourraient de fait être évitées chez ces patients, leur évitant ainsi les risques liés à la chirurgie.
Crédit : Service de neurochirurgie de l’hôpital Lariboisière
« Les doses et la durée de traitement devraient être diminuées, mais ce traitement est néanmoins utile pour de nombreux patients », souligne le neurochirurgien.
Des recommandations attendues d'ici à la fin de l'année
Les résultats de cette étude ont conduit l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) à mettre en place un Comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) constitué d'endocrinologues, de gynécologues, de neurochirurgiens et de dermatologues. Ce comité s'est réuni pour la première fois en juin dernier.
« Les sociétés savantes impliquées, dont la Société française d'endocrinologie (SFE) et le Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France (CNGOF), travaillent désormais en collaboration avec les neurochirurgiens à l'élaboration de recommandations portant sur l'encadrement de la prescription et de l'utilisation de cette spécialité », indique au « Quotidien » le Dr Isabelle Yoldjian, cheffe de pôle des médicaments en endocrinologie à l'ANSM. « Dès lors que la réflexion sera assez avancée, le CSST se réunira une deuxième fois afin d'établir une position commune en vue de limiter ce risque ». Les nouvelles recommandations devraient être mises à la disposition des professionnels de santé d'ici à la fin de l'année.
En attendant, le Dr Yoldjian appelle les prescripteurs à la prudence et à « réévaluer l'intérêt de cette spécialité, surtout si le produit est prescrit depuis plus de 5 ans ».
« Lorsqu'un méningiome est diagnostiqué, neurochirurgien et prescripteur doivent discuter, mais l'arrêt du traitement est certainement la meilleure chose à faire », ajoute le Pr Froelich.
En France, 57 000 femmes seraient exposées à l'acétate de cyprotérone en 2017, selon l'ANSM.
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