La maladie de Charcot ou sclérose latérale amyotrophique (SLA) est une maladie des motoneurones pour laquelle il est aujourd’hui difficile d’établir un diagnostic. « Nous ne disposons pas de biomarqueurs, le diagnostic se fonde sur la clinique, la réalisation d’un électromyogramme pour l’atteinte périphérique et l’exclusion d’autres maladies qui peuvent mimer les symptômes de la maladie de Charcot », explique le Dr Pierre-François Pradat, neurologue au centre de référence SLA d’Île-de-France, pour le Quotidien. Il apparaît donc d’intérêt de développer de nouveaux outils diagnostiques pour différencier le plus tôt possible la SLA d’autres pathologies neurodégénératives. De nouveaux travaux en ce sens sont publiés dans Science Translational Medicine.
Bien qu’aucun traitement curatif n’ait encore vu le jour, il reste important de diagnostiquer plus tôt les patients atteints d’une SLA, « cela permet de démarrer au plus vite les traitements neuroprotecteurs, d’établir tôt un plan de prise en charge et d’éviter aux patients une errance diagnostique qui les soumet souvent à des explorations invasives, voire chirurgicales comme pour la recherche d’un canal lombaire étroit », détaille le neurologue dont le laboratoire a participé au recrutement d’une partie des patients.
Hyperexcitabilité des neurones excitateurs
Les chercheurs du Centre de recherche en biomédecine, en collaboration avec une équipe de l’Université Ludwig Maximilian (Munich) et des chercheurs du CNRS et de Sorbonne Université, ont ainsi mis en évidence, grâce à l’électroencéphalogramme (EEG), l’hyperexcitabilité des neurones chez des souris et des patients atteints de SLA. Ce déséquilibre d’activité des neurones excitateurs et inhibiteurs, en faveur des neurones excitateurs, « n’est pas une surprise et avait déjà été décrit avec d’autres méthodes d’investigation, mais celles-ci sont très peu utilisées car elles sont difficiles à mettre en œuvre et ne fonctionnent qu’en tout début de maladie », précise Caroline Rouaux, chercheuse Inserm, dans un communiqué de presse.
Dans un second temps, l’équipe s’est intéressée aux mécanismes à l’origine de l’hyperexcitabilté et a remarqué que la noradrénaline était présente en plus faible quantité dans le cerveau des modèles murins et des patients atteints de SLA par rapport à des cerveaux sains. Ils ont ainsi pu montrer qu’en stimulant la noradrénaline chez les modèles SLA, il était possible de réduire le déséquilibre. Cependant, tempère le Dr Pierre-François Pradat, « la noradrénaline pointe une originalité sur le désordre d’un transmetteur et cela pourrait être une cible thérapeutique potentielle, mais ce sont des voix particulières avec des mécanismes encore inconnus ».
Ondes thêta et gamma
À partir de l’enregistrement EEG, c’est en se concentrant sur les ondes thêta, reflétant l’activité des neurones excitateurs, et les ondes gamma, reflétant celle des neurones inhibiteurs, que les équipes de recherche ont pu mettre en évidence l’hyperexcitabilité due au déséquilibre entre ces ondes. Pour Caroline Rouaux, « le profil d’ondes cérébrales atypiques pourrait s’avérer spécifique de la maladie ». De plus, leur étude a pu montrer que plus les symptômes de la maladie progressent, plus le déséquilibre est important.
Les scientifiques ont ensuite cherché à éclaircir les mécanismes de l’hyperexcitabilité chez les patients et les souris atteints de SLA. Ainsi, après avoir identifié la noradrénaline comme neuromodulateur déficitaire dans les modèles SLA par rapport aux témoins, ils ont constaté que le blocage de la noradrénaline provoquait une hyperexcitabilité corticale. La stimulation, elle, la réduisait.
Un apport pour la pratique clinique
Cette étude apporte de nouveaux éléments sur la maladie de Charcot, aujourd’hui encore incurable. Elle désigne l’EEG, d’une part comme un outil diagnostique, d’autre part comme un biomarqueur de suivi de la maladie et de son pronostic. De plus, elle est « très peu invasive, très peu coûteuse, et peut s’utiliser à différents moments de la maladie », argumente l’autrice senior. Mais son interprétation « reste pour le moment d’analyse compliquée et longue, et qui ne pourrait être faite que dans des laboratoires spécialisés », complète le Dr Pierre-François Pradat ajoutant « qu’il serait difficile d’avoir la compétence dans tous les centres ». Cependant, cette étude pointe un mécanisme « probablement très central dans la maladie », selon le neurologue, et ouvre la voie vers un nouvel outil diagnostique et des perspectives thérapeutiques. « Grâce à ces deux découvertes, nous pourrions mesurer l’efficacité de futurs traitements comme des neuromodulateurs, par exemple, c’est ce qui manque dans les essais thérapeutiques actuels ». Des études longitudinales seront encore nécessaires pour confirmer la validité de l’outil.
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