« Quand quelqu’un est victime d’un accident médical, il peut y avoir beaucoup de colère et tout le monde a besoin de comprendre, aussi bien la personne directement concernée que les soignants également très affectés par ce qu’il s’est passé » analyse Sébastien Leloup, directeur de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam). Depuis sa création par la loi sur les droits des patients du 4 mars 2002, cet organisme public organise le dispositif d’indemnisation amiable, rapide et gratuit des victimes d’accidents médicaux.
« Le législateur a voulu que ne passent par ce dispositif que les accidents médicaux, les infections iatrogènes et les infections nosocomiales graves » précise Anne-Sophie Hutin, présidente de la commission de conciliation et d’indemnisation (CCI) d’Île-de-France. L’office intervient donc lorsque la gravité des dommages causés par l’accident médical est supérieure aux seuils fixés par la loi soit pour des atteintes à l’intégrité physique d’au moins 25 %, soit des arrêts de travail de plus de 6 mois consécutifs ou non ou encore l’incapacité à exercer sa profession.
La procédure encadrée par l’Oniam qui permet à chacun de s’exprimer, offre une alternative à une procédure en justice classique. Les juristes de chaque CCI reçoivent les demandes d’indemnisation et ensuite, des médecins experts indépendants entament sur place un travail d’enquête pour éclairer les événements car toute erreur n’implique pas forcément la responsabilité du médecin. « On n’est pas dans un procès, le but du jeu est d’avoir un débat apaisé afin de comprendre et de répondre aux questions que chacun se pose dans ce cas » précise Anne-Sophie Hutin. À ses yeux, cette procédure présente également un avantage pour les médecins qui « sont aussi émus de ce qui est arrivé à leur patient et peuvent venir expliquer la prise en charge et son contexte » continue la présidente de la CCI Île-de-France. Elle est également l’occasion de faire évoluer les pratiques par des études de cas en analysant les erreurs.
L’avis suite à la conciliation définit, s’il est favorable, les conditions d’indemnisation soit par l’assureur du médecin ou de l’établissement si la faute est avérée soit par l’office lui-même s’il s’agit d’un aléa. « L’avis des commissions est suivi dans 85 % des cas par les assureurs s’ils doivent indemniser les victimes et l’Oniam traite favorablement 95 % des avis » estime Sébastien Leloup ; preuve, selon lui, que tous les acteurs de santé ont confiance dans l’expertise de cette institution.
Malgré ces résultats, l’établissement a fait l’objet d’un rapport de la Cour des comptes en 2017 jugeant les délais de traitements trop longs et formulant un grief de fond : « le dispositif amiable d’indemnisation des victimes d’accidents n’apparaît pas plus avantageux aujourd’hui pour la victime » que les procédures devant la justice. À l’époque, ces critiques s'étaient traduites par le remplacement du patron de l'institution. « Nous travaillons à réduire ces délais qui intègrent le long travail d’expertise. Ils étaient de 7,5 mois de traitement par demande en moyenne en 2019, ce qui reste performant au regard du délai judiciaire » relève aujourd'hui Sébastien Leloup.
Composition et organisation
Pensé selon les principes de la démocratie sanitaire, le conseil d’administration de l’office accueille, entre autres, des représentants de l’État, des membres nommés par le ministre de la Santé émanant notamment des usagers, des organisations hospitalières publiques et privées ou encore de la Caisse nationale de l’assurance maladie.
Les CCI sont des instances indépendantes présidées par des magistrats, ce qui garantit leur indépendance vis-à-vis de l’Oniam. Elles interviennent sur des zones géographiques données. Elles sont composées de deux à quatre juristes.
Sa place dans le système de santé
L’Oniam est un établissement public administratif de l’État placé sous la tutelle du ministre de la Santé. L’office dispose de moyens financiers issus de subventions de la part de l’Assurance maladie et de l’État mais aussi de ressources propres.
Son activité
Le traitement des demandes d'indemnisation des accidents médicaux constitue la majorité des dossiers traités. Depuis la création de l’office, 73 577 dossiers ont été traités.
De nouvelles missions se sont progressivement ajoutées au périmètre de compétence de l’office, notamment pour accélérer les procédures lors notamment de scandales ou crises sanitaires : Hépatite C et Sida post-transfusionnels, surirradiés d'Épinal, victimes du Benfluorex (matière active du Mediator), Dépakine… L’office a instruit plus de 10 000 dossiers depuis la mise en place du dispositif de dédommagement en 2011 ; 38 % de ces demandes ont reçu un avis positif de la part de l’organisme. La majorité des demandes ont été émises entre 2011 et 2012, mais l’Oniam continue d’en recevoir, 10 ans après le début de l’indemnisation.