LE QUOTIDIEN : Pourquoi le CNGOF prend-il ce positionnement maintenant ?
Pr JOËLLE BELAISCH-ALLART : Quand la liberté d’avoir recours à une IVG a été inscrite dans la Constitution, des patientes et des journalistes nous ont demandé notre position sur la double clause et je ne voulais pas que nous répondions de manière irréfléchie. J’ai donc saisi trois de nos commissions : d'orthogénie, de santé sexuelle et d’éthique. J’ai soumis la synthèse des trois textes au bureau élargi puis au conseil d’administration qui l’a votée à l’unanimité.
La question de la double clause de conscience n’est pas évidente. La clause spécifique précise que l’on doit donner les coordonnées d’autres médecins qui pratiquent l’IVG. Mais au final, les inconvénients se sont révélés plus importants que les avantages. En particulier, la clause de conscience spécifique constitue une stigmatisation de l’acte d’IVG, en suggérant qu’il s’agit d’un acte à part. Un autre argument avancé était que la clause spécifique, inscrite dans la loi, perdurerait même s’il y avait une remise en cause du Code de la santé publique qui stipule la clause de conscience générale. Mais les juristes que nous avons interrogés affirment que cette double clause de conscience n’avait pas d’intérêt.
Il est important de préciser que nous voulons protéger la patiente ET les médecins. Nous ne voulons pas supprimer leur clause de conscience, mais nous estimons simplement que la clause de conscience générale suffit. On peut comprendre que Simone Veil ait eu besoin d’une clause de conscience spécifique pour faire passer la loi, mais cinquante ans plus tard, et même si je suis consciente qu’il existe une opposition très minoritaire mais réelle au droit à l’IVG, il est entré dans les mœurs et ce dispositif n’est plus nécessaire.
Vous demandez un renforcement de l’obligation d’adressage. Vous pensez que cette obligation n’est pas respectée en France ?
Je n’en suis pas sûre ! En ce qui concerne les textes en eux-mêmes, il n’y a, dans les faits, pas une différence énorme entre la clause de conscience générale, qui dit simplement qu’on doit orienter vers un autre professionnel de santé, et celle de la clause spécifique à l’IVG où il doit être clairement écrit l’obligation de communiquer les coordonnées d’une équipe dont on est certain qu’elle puisse prendre la patiente en charge.
Y a-t-il une estimation du nombre de médecins qui invoquent la clause de conscience chaque année ?
Honnêtement, non. Mais on sait bien que, dans tous les services de gynécologie-obstétrique, il y a un ou deux médecins qui refusent l’IVG. Cela présente un problème limité si le reste de l’équipe accepte de pratiquer l’IVG, mais de temps à autre, avec les vacances, il peut y avoir des problèmes.
Dans sa prise de position, le CNGOF demande des efforts en matière de moyens et de formation. Faut-il faire plus de place à l’IVG en formation initiale ?
Dans tous les hôpitaux, chaque chef de service doit organiser la prise en charge de l’IVG au sein de son service. Est-ce bien contrôlé par les ARS ? Je n’en suis pas sûre ! Par ailleurs, l’IVG et le planning familial sont souvent les parents pauvres dans les services. Quand il manque une sage-femme ou une infirmière, c’est là qu’on va les prendre.
Il existe déjà des modules en formation initiale. Ce qu’il faut renforcer, c’est l’enseignement pratique dans les services. Le collège souhaite que l’IVG ET la contraception soient mieux enseignées, car l’idéal reste quand même de prévenir les grossesses non désirées.
Quelle est l’étape suivante ? Avez-vous des relais politiques pour porter cela devant le législateur ?
J’ai déjà communiqué notre texte à une députée qui ignorait cette double clause de conscience et qui a été très intéressée. Nous allons maintenant agir auprès des députés et des ministres pour faire supprimer cette clause de conscience spécifique. Cela risque d’être long, car il reste en France des oppositions subliminales à l’IVG.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024