Puberté précoce

Une étude qui rassure

Publié le 05/02/2015
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Crédit photo : PHANIE

La puberté précoce est définie comme le déclenchement de la sécrétion de GnRH – et donc de FSH et de LH – avant l’âge de 8 ans chez la fille et de 9 ans chez le garçon. Elle est plus fréquente chez les filles. On observe actuellement une tendance à une incidence accrue de ces pubertés précoces, qui reste cependant mal quantifiée et précisée en France. Une étude danoise a permis de montrer que l’âge d’apparition des seins a avancé environ d’une année sur une période de quinze ans. Les facteurs à l’origine de cet avancement de la puberté sont potentiellement nombreux – perturbateurs endocriniens, changements de mode de vie... – mais pour l’instant non parfaitement établis.

« Tout développement de la puberté clinique n’est pas forcément une puberté précoce évolutive, qui nécessite des explorations complémentaires et a fortiori un traitement », résume le Pr Jean-Claude Carel (hôpital Robert-Debré, Paris).

Lorsque les examens biologiques confirment l’activation de l’axe gonadotrope, le traitement fait appel aux agonistes de la GnRH, qui sont donnés en général pour une période de 2 à 4 ans, parfois plus, en cas de puberté très précoce. Le traitement est arrêté lorsque l’enfant arrive à l’âge normal de la puberté. Une surveillance est ensuite de mise jusqu’au début des règles et la fin de la croissance. En moyenne, les premières règles apparaissent de 12 à 18 mois après l’arrêt du traitement et la fin de la croissance entre 2 et 3 ans après cet arrêt.

« Les parents se posent pas mal de questions face aux possibles conséquences, à l’âge adulte, du traitement débuté pendant l’enfance, entre autres sur la fertilité à long terme, rapporte le Pr Carel. Ce questionnement est tout à fait légitime et les données étaient jusqu’alors très parcellaires, notamment parce que nous ne disposons donc pas d’assez de recul sur ce traitement, qui n’a qu’une trentaine d’années.De plus, les études au long cours, indispensables pour évaluer sur le long terme l’impact de traitements chroniques en pédiatrie, sont difficiles à mettre en place chez des sujets qui ont atteint l’âge adulte, sans compter que de nombreux facteurs peuvent interférer ». Il existe en effet des liens entre puberté précoce ou pubarche précoce (développement précoce de la pilosité pubienne) et syndrome des ovaires polykystiques, qui est un facteur d’hypofertilité.

C’est dans ce contexte qu’a été réalisée l’étude épidémiologique longitudinale PREFER, dans 23 centres en France et qui a inclus 212 femmes âgées de plus de 18 ans (24 ans en moyenne), qui avaient été traitées dans l’enfance par triptoréline pour une puberté précoce (pendant 2,4 ans en moyenne).

Les résultats de ce travail, présentés lors du dernier congrès européen d’endocrinologie pédiatrique (1) sont tout à fait rassurants. Près de 27 % de ces femmes ont eu une grossesse avant ou pendant l’étude. Le taux de grossesses obtenues au cours de la première année de désir de conception (critère principal d’évaluation) a été de 86,5 %, tout à fait similaire à ce qui est observé dans la population générale (85 %).

«Certes, cette étude présente des difficultés méthodologiques. Sur un peu moins de 600 femmes sélectionnées, plus de 60 % étaient perdues de vue et seules 212 ont pu être interrogées, précise le Pr Carel. Et elles sont encore un peu jeunes, 24 ans en moyenne. Il faudra donc refaire ce même travail dans 5 ou 6 ans, sa conclusion ne peut être aujourd’hui définitive. Toutefois, les données de cette étude, la plus importante jamais réalisée sur cette question, sont rassurantes ».

Ce travail offre également l’opportunité de rappeler que le traitement des pubertés précoces est à réserver aux formes évolutives, avec une vraie puberté précoce en âge et des critères biologiques. « Ces traitements sont globalement trop prescrits, à des pubertés d’âge normal ou des petites tailles, alors qu’ils sont coûteux, posent un problème de suivi et médicalisent un phénomène normal, ce qui est loin d’être anodin », conclut le Pr Jean-Claude Carel.

D’après un entretien avec le Pr Jean-Claude Carel, hôpital Robert-Debré, INSERM U1141.

(1) ESPE, abstract FC 14.5

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Bilan spécialistes