Résultats de la chirurgie de l'obésité

Les bénéfices se maintiennent à 15 ans

Publié le 15/10/2008
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PAR LE Dr CÉCILE CIANGURA*

LE NOMBRE d'interventions de chirurgie de l'obésité ne cesse d'augmenter. En France, d'après les données du PMSI (Programme de médicalisation des systèmes d'information), le nombre annuel d'hospitalisations en rapport avec la chirurgie de l'obésité a été multiplié par 7 de 1997 à 2006, pour atteindre un peu plus de 13 000 en 2006. Les principales interventions réalisées en France sont l'anneau gastrique ajustable, le by-pass gastrique et, plus récemment, la gastrectomie longitudinale (sleeve), pour laquelle le recul est modeste (1).

Un certain nombre de données sur les bénéfices et les risques de la chirurgie sont bien établies (2, 3).

La perte de poids est rapide, maximale, au terme des deux premières années, et, en moyenne, de 30 à 40 % du poids initial pour le by-pass (soit 60 % de l'excès de poids) et de 10 à 20 % pour les anneaux gastriques ajustables (soit 40 % de l'excès de poids). Après cette perte majeure, la courbe pondérale s'infléchit, pour une reprise de poids modérée, jusqu'à 10 ans après l'intervention.

En ce qui concerne l'évolution des comorbidités, l'équilibre glycémique s'améliore spectaculairement (arrêt des traitements antidiabétiques dans 80 % des cas après by-pass, résolution du diabète dans 50 % des cas après anneaux gastriques) et les syndromes des apnées du sommeil diminuent. Il existe également un effet positif sur l'équilibre tensionnel, le niveau d'hypertryglicéridémie et sur le HDL.

La qualité de vie et le niveau d'activité physique quotidien s'améliorent.

Les complications périopératoires ne sont pas détaillées ici et la mortalité périopératoire est estimée à 0,5 % pour les by-pass gastriques et 0,1 % pour les anneaux.

La Swedish Obese Study.

Cependant, ces différents aspects, bien documentés, ne répondaient pas à la question du maintien du poids sur le plus long terme, ni de la pertinence de ces interventions potentiellement risquées en termes de mortalité. L'étude SOS (Swedish Obese Study), prolongée 15 ans après une chirurgie de l'obésité et qui a porté sur 2 000 sujets opérés, apporte de nouvelles données (4). Dans cette étude d'observation prospective, comparativement aux patients obèses pris en charge médicalement, les patients opérés (by-pass gastriques, anneaux ajustables et gastroplasties verticales calibrées) présentaient une perte de poids plus importante et durablement maintenue, et surtout une réduction significative de la mortalité. En effet, la perte de poids à 10 ans se stabilisait à 25 ± 11 % du poids initial pour les by-pass et à 14 ± 14 % pour les anneaux ajustables. À 15 ans, la perte de poids était de 27 ± 12 % pour les by-pass et tendait à diminuer à 13 ± 14 % pour les anneaux. La chirurgie bariatrique est aujourd'hui le moyen thérapeutique qui permet la perte de poids la plus importante et la plus durable dans le temps. L'autre résultat essentiel de cette étude était la réduction de la mortalité cumulée de 30 % à 15 ans pour les patients opérés par rapport aux sujets témoins, après ajustement pour l'âge, le sexe et les facteurs de risque (OR = 0,71, p = 0,01). Cette réduction de mortalité était liée à une diminution des événements cardio-vasculaires (infarctus du myocarde, mort subite, accident vasculaire cérébral) et des cancers. La quantité de poids perdu et la nature de la chirurgie n'étaient pas discriminantes, mais l'étude n'était pas construite pour évaluer ces aspects.

Les résultats d'une large étude rétrospective sur près de 10 000 patients vont dans le même sens (5) : sur une durée de 7,1 ans, une réduction de 40 % de la mortalité totale était observée chez des sujets opérés d'un by-pass gastrique, comparativement à un groupe de sujets non opérés appariés sur le sexe, l'âge et l'IMC (p < 0,001). La mortalité de cause spécifique diminuait significativement dans le groupe by-pass : de 56 % pour les coronaropathies, de 92 % pour le diabète et de 60 % pour les cancers. En revanche, les décès indépendants de maladies, tels que les suicides et les accidents, étaient 58 % plus élevés dans le groupe by-pass que dans le groupe de non-opérés (p = 0,04).

L'importance du suivi à long terme.

Ces bénéfices de la chirurgie bariatrique (réduction de la mortalité, perte de poids importante et durable, amélioration des comorbidités) ne doivent pas faire oublier certains points.

– ces résultats sont issus de populations sélectionnées sur la base des recommandations et extrêmement bien suivies sur le long terme (suivi de 99,9 % à 10 ans dans SOS, par exemple), ce qui n'est malheureusement pas systématique en pratique.

– les patients sont exposés à des déficits et à des carences, notamment après by-pass (fer, calcium, vitamine du groupe B, D). Plusieurs publications ont rapporté des situations gravissimes de complications neurologiques (de type encéphalopathie de Gayet-Wernicke, neuropathie périphérique…) liées à des carences nutritionnelles non supplémentées après chirurgie malabsorptives (6).

– des études récentes identifient l'adhésion aux conseils diététiques et la reprise d'une activité physique en postopératoire comme facteurs pronostiques de la perte et du maintien du poids après chirurgie (7).

– enfin, le recul documenté reste à 15 ans et ne permet pas de répondre sur le très long terme, notamment pour les jeunes patients opérés précocement.

Ainsi, les bénéfices attendus de la chirurgie bariatrique sont importants et bien documentés, mais n'en font pas une solution systématique et unique à l'obésité.

Ces interventions chirurgicales doivent s'inscrire dans une prise en charge globale pré- et postopératoire associant la poursuite des changements de comportement pour le maintien du poids à l'évaluation nutritionnelle, pour parer aux complications carentielles.

* Service de nutrition, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière.
(1) www.has-sante.fr/portail/jcms/c_646765/gastrectomie-longitudinale-sleev….
(2) Sjostrom L, Lindroos AK, Peltonen M, et al. Lifestyle, diabetes, and cardiovascular risk factors 10 years after bariatric surgery. N Engl J Med 2004 ; 351 : 2683-93.
(3) Buchwald H, Avidor Y, Braunwald E, et al. Bariatric surgery : a systematic review and meta-analysis. Jama 2004 ; 292 : 1724-37.
(4) Sjostrom L, Narbro K, Sjostrom CD, et al. Effects of bariatric surgery on mortality in Swedish obese subjects. N Engl J Med 2007 ; 357 : 741-52.
(5) Adams TD, Gress RE, Smith SC, et al. Long-term mortality after gastric bypass surgery. N Engl J Med 2007 ; 357 : 753-61.
(6) Koffman BM, Greenfield LJ, Ali, II, Pirzada NA. Neurologic complications after surgery for obesity. Muscle Nerve 2006 ; 33 :166-76.
(7) Chevallier JM, Paita M, Rodde-Dunet MH, et al. Predictive factors of outcome after gastric banding : a nationwide survey on the role of center activity and patients' behavior. Ann Surg 2007 ; 246 :1034-9.

CIANGURA Ccile

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8441