COMME LE PRÉCISE la recommandation de bonne pratique relative aux stratégies thérapeutiques médicamenteuses et non médicamenteuses de l'aide à l'arrêt du tabac de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), les thérapies cognitivo-comportementales mises en oeuvre pour le sevrage tabagique ont pour finalité de favoriser « un nouvel apprentissage », afin d'assurer le maintien de l'abstinence tabagique.
Ces techniques interviennent à trois niveaux, comportemental, cognitif et émotionnel.
La recommandation précise également que ces techniques sont « particulièrement intéressantes dans le cadre du sevrage tabagique », le tabagisme étant caractérisé « par un trouble de l'apprentissage qui aboutit à une perte de contrôle de la consommation », ce trouble étant souvent majoré par des facteurs cognitifs et émotionnels.
L'approche cognitivo-comportementale doit être associée à toute démarche thérapeutique ; 85 à 90 % des fumeurs sont concernés par une méthode de diminution progressive et 10 à 15 % peuvent arrêter brutalement. Cette approche est, comme le souligne le Dr Yves Nadjari, « une garantie de durée de l'arrêt ».
Construire un état de non- fumeur.
Une première étape possible consiste à faire prendre conscience au fumeur qu'il existe en lui un non-fumeur. Dans cette perspective, la compréhension et la gestion de la dualité fumeur/non-fumeur est la clé qui permet d'engager une démarche profonde. Celle-ci peut permettre de situer le fumeur « de l'autre côté de la barrière » et permettre au patient de devenir un ex- fumeur. Pour arrêter le tabac, « il n'y a pas de méthode miracle, le problème n'est pas seulement d'arrêter, mais de durer; pour cela, il faut avoir construit un état de non-fumeur ». Cette prise de conscience implique d'aborder les aspects psychocomportementaux de la dépendance, qui sont fondamentaux, ainsi que ses aspects physiques.
Des tests et questionnaires constituent des aides pratiques. Ils permettent au fumeur de mieux se connaître. De même que le test de Fagerström permet de tester la dépendance physique, le test de Horn permet par exemple de déterminer la nature du comportement de fumeur. Il lui permet de savoir « pourquoi il fume », parmi les six raisons proposées : la stimulation, la manipulation, la relaxation plaisir, le support réducteur de la tension, le désir incontrôlable (ou addiction psychologique) et, enfin, la force de l'habitude. Des questionnaires permettent également de « faire parler le non-fumeur ».
Certaines formules propres à l'approche psychocomportementale sont particulièrement à même de faciliter la décision et la gestion de la dualité propre au fumeur. « Avoir échoué une ou plusieurs fois n'empêche pas de réussir, bien au contraire », « le plus souvent les fumeurs réussissent après plusieurs tentatives qui ont structuré leur motivation et leur décision » ou encore « dans le sevrage tabagique, il n'y a jamais d'échec, que des succès différés, c'est l'apprentissage ! » De même, la technique qui consiste à expliquer au patient qu'il doit « écouter le fumeur qui est en lui » pour lui répondre en « démontant ses arguments ». Les plus courants doivent ainsi être analysés, le fumeur devant apporter ses propres réponses : « Mon oncle fumait 3 paquets par jour et a vécu jusqu'à 90 ans », « Il y a des médecins qui fument, si cela est dangereux, pourquoi n'arrêtent-ils pas ? » ou encore « Je vais grossir, et c'est aussi dangereux que de fumer » sont parmi les arguments les plus habituels du « sous-juge fumeur » qui constitue une partie de la personnalité de celui qui a décidé d'arrêter le tabac.
Faire parler le non-fumeur.
Faire parler le non-fumeur est également un élément essentiel. Il est par exemple possible d'évoquer les « récompenses » qui surviendront après l'arrêt. De même, c'est la responsabilité du clinicien que d'apprendre au fumeur, ou de lui rappeler, qu'en cas de tabagisme régulier, un fumeur a une chance sur quatre de décéder avant 65 ans. Cette pratique de l'information relative aux risques est fondée sur l'hypothèse selon laquelle le sujet prendra en considération des éléments rationnels afin de prendre ses décisions (1). Dans le même ordre d'idées, le cardiologue doit faire connaître les autres facteurs de risque cardio-vasculaires (hypertension artérielle, diabète, hypercholestérolémie…), le tabagisme étant verbalisé de manière spécifique (« fumeurs, connaissez-vous votre taux de cholestérol? »).
Une question décisive concernant le processus d'arrêt de l'intoxication tabagique concerne le niveau de confiance dans les chances de réussite : « Vous sentez-vous capable et décidé à arrêter en 48 heures ? » Enfin, que l'arrêt soit progressif ou brutal, les aides thérapeutiques (timbres, gommes, inhalateur, varénicline, bupropion) sont en partie prises en charge par l'assurance-maladie.
La « nouvelle méthode » d'approche psychocomportementale permet d'arrêter de fumer en douceur, le fumeur renforçant sa motivation et sa confiance et le non-fumeur se construisant durablement.
D'après un entretien avec le Dr Yves Nadjari * J'arrête de fumer en douceur. La nouvelle méthode. Paris, 2008, Odile Jacob Ed.
(1) Thornton H. Patients' understanding of risk. Br Med J 2003 ; 327 : 693-4.
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