LES FACTEURS génétiques contribuant à la variation entre individus de la glycémie sont largement inconnus. Ces variants pourraient affecter non seulement la santé métabolique, mais aussi le risque de maladie cardio-vasculaire puisqu'une relation linéaire, sans seuil, entre la glycémie à jeun et le risque cardio-vasculaire a été décrite.
Ainsi, les individus dont la glycémie à jeun est inférieure à 5,5 mM ont le plus faible risque cardio-vasculaire ; en revanche, les individus dont la glycémie est comprise entre 5,6 et 6 mM, considérés comme normoglycémiques, ont un risque d'insuffisance cardiaque accru de 30 % et un risque de néphropathie accru de 60 %. Chez les Asiatiques, une légère réduction de la glycémie à jeun de 5,5 mM à 5 mM est associée à une réduction de 25 % du risque cardio-vasculaire.
Même un contrôle étroit de la glycémie, comme en témoigne un taux d'hémoglobine glycosylée (HbA1c) entre 5,1 et 5,6 % (valeur normale < 6,1 %), est associé à une mortalité accrue de 30 % par rapport à un taux plus faible d'hémoglobine glycosylée.
Afin d'identifier les déterminants génétiques qui contribuent à la variation interindividuelle de la glycémie à jeun, une équipe internationale dirigée par le Pr Philippe Froguel (CNRS, institut Pasteur de Lille et Imperial College à Londres) a conduit une étude génomique d'association.
Les chercheurs ont testé plus de 390 000 polymorphismes (SNP) chez 654 personnes ayant une glycémie normale, afin de découvrir ceux associés à la glycémie à jeun.
Cohorte française et cohorte finlandaise.
La plus forte association a été trouvée avec le polymorphisme SNP rs560887. Cette association a ensuite été confirmée dans deux autres populations (n = 9 353 personnes), française (cohorte DESIR) et finlandaise (NFBC86). Ce polymorphisme (rs560887) réside dans le gène G6PC2 (ou IGRP) qui encode une glycoprotéine (glucose-6-phosphatase catalytic unit 2) trouvée uniquement dans les îlots pancréatiques, précisément dans la membrane du réticulum endoplasmique.
Ce variant est associé à une réduction significative de la glycémie à jeun (baisse de 0,06 mmol/l par copie de l'allèle A), ainsi que de l'hémoglobine glycosylée (HbA1c). Cependant, il n'est pas associé au risque de diabète de type 2.
Les chercheurs proposent que l'allèle G courant du variant pourrait modifier le point de réglage du glucostat et réguler à la hausse la glycémie à jeun. Mais, pour que le diabète de type 2 se développe, d'autres altérations de la fonction des cellules bêtapancréatiques seraient nécessaires.
Le gène G6PC2/IGRP pourrait appartenir à la même voie de phosphorylation du glucose que le gène glucokinase (GCK) et le gène de la protéine régulatrice du glucokinase (GCKR), pensent les chercheurs. Or récemment, il a été montré que deux variants dans le gène GCK et le gène GCKR modulent la glycémie à jeun dans des populations européennes.
Les chercheurs ont donc analysé l'effet combiné des trois variants (de G6PC2/IGRP, GCK, GCKR) dans la cohorte DESIR française et ont observé un effet additif sur la glycémie à jeun.
Ainsi, les individus portant plus de quatre allèles associés à une faible glycémie à jeun (10 % de la population) présentent une baisse de 0,24 mmol/l de la glycémie à jeun, comparés aux individus qui ne portent qu'un allèle. Ces trois variants «ont probablement un effet non négligeable sur la santé humaine», notent-ils.
Des implications thérapeutiques.
«Des facteurs génétiques contrôlent ainsi la variation interindividuelle de la glycémie à jeun, indépendamment de l'environne- ment et aussi indépendamment du risque de diabète», souligne le Pr Froguel auprès du « Quotidien ». Il fait entrevoir des implications thérapeutiques. «Agir sur le métabolisme du glucose dans la cellule bêta (et donc sur la sécrétion de l'insuline) pourrait diminuer la glycémie chez des personnes pourtant non diabétiques (et non à risque de diabète) et diminuer leur risque cardio-vasculaire.»
«Cette étude a été financée essentiellement par le gouvernement du Canada car nous n'avons pas eu de financement français pour cela!», ajoute-t-il.
Bouatia-Maji et coll., « Sciencexpress », 1er mai 2008.
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