SI LES GÈNES du virus du sida ont la fâcheuse tendance à muter sans cesse, entraînant ainsi l'émergence de souches virales résistantes aux molécules thérapeutiques les plus efficaces, ce n'est pas le cas des gènes humains. Cette observation a conduit de nombreux scientifiques impliqués dans le développement de stratégies antivirales à changer leur fusil d'épaule : plutôt que de continuer à s'attaquer aux protéines virales, des protéines qui finiront tôt ou tard par muter, pourquoi ne pas rechercher des cibles thérapeutiques parmi les protéines humaines qui sont nécessaires à la virulence du VIH ?
Cette démarche a conduit Pamela Schwartzberg et coll. du NIH (Bethesda, Maryland) à identifier une cible plutôt prometteuse, l'enzyme ITK (Inducible T-cell Kinase). Les travaux de l'équipe américaine montrent que des inhibiteurs d'ITK entraînent une réduction significative du taux de réplication du VIH dans les lymphocytes T cultivés in vitro.
La réplication du VIH dans les lymphocytes T ne peut être efficace qu'à la condition que ces cellules soient à l'état activé. Pamela Schwartzberg et coll. ont donc imaginé que des molécules capables d'inhiber l'activation des lymphocytes pourraient avoir un effet antiviral.
L'inhibition d'ITK n'est pas délétère.
Les chercheurs ont choisi de tester cette hypothèse en ciblant ITK, une protéine connue pour participer à de multiples aspects du processus d'activation des lymphocytes T. ITK est en effet impliquée dans des événements aussi variés que l'activation de facteurs de transcription spécifiques, le réarrangement du cytosquelette ou la mobilisation des ions calcium. De plus, l'inhibition d'ITK n'est pas délétère : les souris génétiquement modifiées pour ne pas exprimer l'enzyme sont en bonne santé et restent malgré tout capables de lutter contre de nombreuses infections.
Trois méthodes ont été utilisées pour inhiber ITK dans des lymphocytes T en culture : l'utilisation de petits ARN interférents, l'utilisation d'un inhibiteur chimique et la mutation du gène codant pour l'enzyme. En outre, les expériences ont été conduites dans deux lignées cellulaires distinctes.
Le pouvoir infectieux du VIH est altéré.
Dans tous les cas, il est apparu que l'inhibition d'ITK altère le pouvoir infectieux du VIH. L'absence de l'enzyme semble bloquer le cycle du virus à différents niveaux : les expériences de Schwartzberg et coll. indiquent en effet que l'inhibition d'ITK : (i) altère la capacité du VIH à entrer dans les cellules, (ii) réduit le taux de transcription du génome viral et (iii) perturbe les étapes d'assemblage et de relargage des néovirions.
A contrario, l'utilisation de lignées de cellules génétiquement modifiées montre que la surexpression du gène codant pour ITK augmente le taux de réplication du virus.
Dans la majorité de leurs expériences, Schwartzberg et coll. ont bloqué l'activité d'ITK des lymphocytes avant de leur inoculer le virus. Pour tester le potentiel thérapeutique de la stratégie dans des conditions plus proches de la réalité clinique, les chercheurs ont finalement procéder à l'expérience inverse : ils ont administré un ARN interférent ciblant ITK à des cellules dans lesquelles le VIH était déjà établi. Là encore, un effet antiviral de la stratégie a pu être mis en évidence : le traitement conduit à une diminution de 68 % du taux de réplication virale.
L'efficacité et la sécurité des inhibiteurs d'ITK restent évidemment à tester in vivo.
J. Readinger et coll., « Proc Natl Acad Sci USA », édition en ligne avancée.
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