QUAND PIERRE BORDRY prend la présidence du Centre national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts, en 1997, l'établissement, sans activité universitaire ni structure de recherche, ne compte plus que deux PU-PH, les Prs Laurent Laroche, spécialiste de la cornée et président de la CME, et le Pr Emmanuel-Alain Cabanis. «A nous trois, raconte l'ex-président, nous avons forcé le destin pour empêcher la fermeture et créer ce qui allait devenir l'Institut de la vision, premier centre de recherche européen dédié aux maladies de l'oeil. Après avoir négocié avec l'AP-HP le transfert sur notre site des services d'ophtalmologie de Saint-Antoine, Rothschild, Tenon et Ambroise-Paré, pour constituer un CHU spécialisé, nous nous sommes rapprochés du chercheur français mondialement reconnu, le PrAlain-Joseph Sahel, à l'époque chef de service au CHU de Strasbourg. Il n'y disposait plus des moyens nécessaires à la poursuite de ses travaux, sa cohorte de patients, en particulier, étant insuffisante. Les Anglais venaient de lui offrir tout ce qui lui faisait défaut chez nous et il était sur le point de rejoindre avec son équipe l'hôpital Morfield de Londres.»
Pour le retenir, Pierre Bordry appelle alors à la rescousse la direction des affaires universitaires au ministère de l'Education. «Mais le ministre de l'époque, Claude Allègre, fait la sourde oreille. Tout comme son successeur, Jack Lang. Il faudra rallier à la cause le président de l'université Paris-VI Pierre-et-Marie-Curie, le PrGilbert Bereziat, ainsi que le PrPhilippe Thibault, doyen de Saint-Antoine, pour que, au forcing, un poste soit créé spécialement à l'attention du PrSahel, au sein des Quinze-Vingts, dont le conseil d'administration le nomma chef de service.»
Partenariat public-privé.
Il restait à dégager le financement pour la construction des bâtiments de l'Institut de recherche, sur le terrain vague qui jouxtait les Quinze-Vingts. L'ARH (agence régionale de l'hospitalisation) refusa tout crédit. Mais le ministre de la Santé, Jean-François Mattei, venait de signer une ordonnance novatrice qui ouvrait la voie au partenariat public-privé. «C'est ainsi, explique Pierre Bordry, que nous avons pu débloquer le dossier, et lancer le chantier, à partir d'un bail emphytéotique, avec des spécialistes du droit, de la finance et de l'immobilier. A défaut de tout soutien de la part du ministère de la Santé, nous avons pu nous appuyer sur la ville de Paris et la région Ile-de-France, qui nous labellisa pôle de recherche internationale.»
Et c'est ainsi que, surmontant les réticences et les blocages des ministères de l'Education et de la Santé, ainsi que de l'ARH et des directeurs d'hôpital, l'Institut de la vision a finalement pu naître, avec, à sa tête, le Pr Sahel, et les quelque 200 chercheurs qui participent à ses travaux. «Fair play, se félicite Pierre Bordry, les Britanniques nous reconnaissent notre leadership européen en matière de recherche sur la rétine, se réservant pour les travaux sur le segment interne de l'oeil.»
Fair play, le conseiller d'Etat ne l'est pas moins, qui n'exprime aucun ressentiment d'avoir été mis à la retraite à l'âge limite de 65 ans, quand d'aucuns président encore un établissement à 80 ans révolus…
> CHRISTIAN DELAHAYE
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