RÉCEMMENT, plusieurs loci de susceptibilité ont été identifiés et confirmés sur les chromosomes 8q24 et 17q. De plus, de rares mutations dans des gènes candidats (notamment BRCA2) ont été associées au risque de cancer prostatique. Toutefois, ces mutations expliquent moins de 10 % du risque relatif familial de ce cancer.
Trois grandes études génomiques d'association, comparant des milliers d'individus avec et sans cancer de la prostate, ont permis d'identifier une dizaine de nouveaux loci de susceptibilité.
Grande-Bretagne, Australie
L'équipe britannique et australienne dirigée par le Dr Rosalind Eeles (Institute of Cancer Research, Sutton, Royaume-Uni) a mené une étude en deux temps.
Dans une première phase, ils ont comparé les échantillons d'ADN sanguin de 1 854 patients ayant un cancer de la prostate détecté cliniquement (afin de sélectionner les cancers causant une morbimortalité), et diagnostiqués avant l'âge de 60 ans ou ayant une histoire familiale du cancer (afin d'obtenir un enrichissement génétique) à ceux de 1 894 témoins présentant un faible taux de PSA (< 0,5 ng/ml).
Plus de 500 000 polymorphismes (SNP, Illumina Infinium platform) ont été analysés. Onze sont apparus significativement associés au cancer.
Dans une seconde phase (réplication), ces 11 SNP ont été testés dans une autre étude de 3 268 cas de cancer de la prostate et 3 366 témoins, issus d'études britanniques et australiennes.
Sept nouveaux loci de susceptibilité ont été identifiés sur les chromosomes 3, 6, 7, 10, 11, 19 et X.
L'association de 3 loci sur 8q24 et de 2 loci sur 17q est confirmée.
En outre, trois des nouveaux loci identifiés hébergent de plausibles gènes de susceptibilité :
– le gène MSMB (microséminoprotéine bêta) sur le chromosome 10. Il code pour la protéine PSP94, sécrétée par la prostate dans le liquide séminal, et un biomarqueur proposé du cancer prostatique ;
– le gène LMTK2 (aussi appelé cprk ou Brek) sur le chromosome 7. Il code pour une kinase, et des mutations somatiques de ce gène ont été trouvées dans des cancers à d'autres sites ;
– le gène KLK3 sur le chromosome 19. Il code pour une kallikréine, membre des sérines protéases. Des variants du promoteur de ce gène ont été associés au taux des PSA et certains ont suggéré une association avec le risque de cancer prostatique.
«Les nouveaux loci identifiés dans cette étude expliquent environ 6% du risque familial de cancer de la prostate, MSMB contribuant le plus (2 % du risque familial, ce qui est comparable aux deux loci 8q les plus forts) », estiment Eeles et coll. «Ces loci et ceux rapportés précédemment expliquent maintenant 15% du risque familial du cancer de la prostate. »
Ces résultats pourraient avoir diverses implications, selon l'équipe. «Le rôle du gène MSMB suggère que sa protéine pourrait avoir un rôle potentiel dans le dépistage du cancer de la prostate, et LMTK2 pourrait offrir une potentielle cible thérapeutique. Avec l'identification d'autres variants SNP, il on pourrait définir des génotypes suffisamment prédicteurs de risque pour avoir une utilité clinique».
Etats-Unis, France, Finlande
Les Drs Gilles Thomas et Stephen Chanock du National Cancer Institute (NIH, Etats-Unis), en collaboration avec des chercheurs américains, français et finlandais, ont poursuivi leur étude génomique d'association dont la première phase avait été rapportée il y a près d'un an (« Nature Genetics », 1er avril 2007).
Cette étude (CGEMS) avait comparé l'ADN de 1 172 hommes avec un cancer de la prostate à celui de 1 157 témoins (de l'étude PLCO), en examinant plus de 500 000 variations génétiques communes dans la population (ou SNP).
Ils décrivent maintenant la seconde phase. Ils ont testé près de 27 000 SNP distingués dans la première phase, dans 4 études indépendantes de réplication, portant en tout sur 4 020 cas cancéreux et 4 028 témoins (American Cancer Society Cancer Prevention Study II, Health Professionals Follow-up Study, CeRePP French Prostate Case-Control Study, Alpha-Tocopherol, Beta-Carotene Cancer Prevention Study). Ils confirment eux aussi 2 loci sur 8q24 et un locus sur 17q.
Ils identifient 4 nouveaux loci hautement significatifs sur les chromosomes 7, 10 (deux loci) et 11. Trois de ces loci hébergent des gènes candidats de susceptibilité :
– MSMB (chromosome 10) ;
– CTBP2 (chromosome 10), à activité anti-apoptotique ;
– JAZF1 (chromosome 7), un represseur transcriptionnel qui est fusionné par translocation chromosomique au gène SUZ12 dans le cancer de l'endomètre.
En outre, ils identifient neuf autres loci montrant une possible association. Parmi ces variants SNP, 3 résident au sein ou près de gènes candidats de susceptibilité : CPNE3, IL16 et CDH13.
Islande plus équipes européennes et américaines
Julius Gudmundsson et coll. (deCODE Genetics, Islande) ont poursuivi leur étude génomique d'association initiale portant sur 23 000 Islandais. Ils ont décidé de tester, dans une étude de réplication, deux variants SNP : l'un sur le chromosome Xp11 montrant la plus forte association ; l'autre sur 2p15 montrant une association avec un cancer agressif.
Une collaboration avec des équipes européennes et américaines a permis de tester ces 2 variants dans 7 groupes de cas-témoins d'origine européenne (Hollande, Espagne, Suède, Etats-Unis).
«Les 2 variants Xp11 et 2p15 sont communs et confèrent un risque modéré de cancer de la prostate», notent les chercheurs. Les mécanismes sous-tendant le risque restent toutefois à découvrir.
Nature Genetics, 10 février 2008, Eeles et coll., Thomas et coll., Gudmundsson et coll., DOI : 10.1038/ng.90, DOI : 10.1038/ng. 91, DOI : 10.1038/ng.89.
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