LA COUPE du monde de football organisée par la FIFA (Fédération internationale de football association) s'est tenue en Allemagne entre le 9 juin et le 9 juillet 2006. Quinze services d'urgences situés en Bavière, incluant la ville de Munich, ont été les lieux d'une étude prospective. Ute Wilbert-Lampen et coll. (Munich) se sont intéressés aux diagnostics précliniques d'événements aigus cardio-vasculaires : douleur prolongée thoracique, infarctus avec ou sans sus-décalage de ST, angor instable, arythmie symptomatique, arrêt cardiaque avec réanimation, ou nécessité de poser un défibrillateur implantable.
Plusieurs périodes témoins ont été choisies entre les mois de mai et juillet 2003, 2005 et 2006.
Urgences cardiaques multipliées par 2,66.
Les événements cardio- vasculaires aigus ont ainsi pu être analysés sur un total de 4 279 patients inclus dans l'étude, évalués par des urgentistes expérimentés. Ce qui fait apparaître que les jours de match où l'équipe d'Allemagne a joué, comparativement aux périodes témoins, l'incidence des urgences cardiaques s'est multipliée globalement par 2,66 (p < 0,001) ; elle est multipliée par 3,26 chez les hommes et par 1,82 chez les femmes (p < 0,001 pour les deux).
Les chiffres s'envolent chez les personnes ayant des antécédents cardio-vasculaires connus : on enregistre une proportion de 47 % de ces sujets parmi les cas, comparativement à 29 % dans les périodes témoins.
L'effet a été plus prononcé à J2.
La courbe des événements cardio-vasculaires a suivi l'actualité des matchs dans lesquels l'équipe d'Allemagne était impliquée. Ainsi, au cours du match du 9 juin, alors que l'Allemagne a battu le Costa Rica, le nombre des événements cardiaques s'est accru significativement. L'effet a été plus prononcé à J2, quand l'Allemagne a battu la Pologne au cours d'un match au suspense insoutenable, le but de la victoire ayant été marqué à la dernière minute. L'augmentation des événements néfastes a été moins prononcée lorsque que l'Allemagne a été qualifiée, même lorsque son équipe a vaincu l'Equateur.
Les matchs suivants ont provoqué un stress émotionnel particulièrement élevé et l'accroissement des accidents cardio-vasculaires a suivi. Il en a été ainsi le 24 juin, lorsque l'Allemagne a battu la Suède. Le pic des événements cardio-vasculaires a été atteint le 30 juin lors de la victoire sur l'Argentine après un tir au but spectaculaire ; le pic s'est maintenu lors de la défaite devant l'Italie.
Lors de la finale n'impliquant pas l'équipe Allemande (France-Italie), l'accroissement des événements cardiaques n'a été que modeste.
Les observateurs remarquent que les jours de stress lié aux matchs, l'incidence la plus élevée des événements est observée pendant les deux heures qui suivent le début du match. Ils précisent que, pendant ces deux heures, on constate une multiplication par 2,49 des infarctus du myocarde avec sus-décalage de ST ; par 2,6 des infarctus sans sus-décalage de ST ; par 3 des arythmies. Le risque reste élevé pendant les quelques heures qui suivent.
L'excès de risque est considérable et il est urgent de mettre en place des mesures préventives, particulièrement chez les patients ayant une maladie coronarienne préexistante, soulignent Ute Wilbert-Lampen et coll. On ne s'explique pas précisément les mécanismes. Les auteurs évoquent la possibilité du manque de sommeil, de prise d'aliments type « junk food » ou d'une consommation élevée d'alcool, d'oubli du traitement habituel…
«On pourrait étudier l'utilisation de moyens spécifiques, par exemple l'augmentation des doses de bêtabloquants, d'anti-inflammatoires, de statines ou d'antiagrégants plaquettaires tels que l'aspirine, voire le blocage de récepteurs du stress. D'autres types d'approches méritent d'être prises en considération, telles que des thérapies comportementales pour enseigner à gérer le stress.»
« New England Journal of Medicine », 2008 ; 358 : 475-483.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature