La consultation d'anesthésie en pédiatrie est focalisée sur les parents, du fait de leur anxiété, facteur de risque de complications chez l'enfant, et en raison de la nécessité d'obtenir leur consentement.
Des exigences morales, éthiques, déontologiques et légales(PHANIE)L'ANXIÉTÉ DES parents lors de la consultation anesthésique est d'origine multifactorielle. En premier lieu, elle s'explique par le sentiment de culpabilité que ressentent les parents lorsqu'ils ont pris la décision de faire procéder à une intervention chirurgicale, en particulier vis-à-vis de son bien-fondé. C'est une des raisons justifiant que l'anesthésiste soit informé du processus ayant conduit à la décision opératoire. L'acte anesthésique en soi est anxiogène pour les parents en raison des interrogations qu'il génère. La séparation qu'implique l'hospitalisation est également un facteur d'anxiété parentale, en particulier chez les enfants d'âge préscolaire. Parallèlement, des parents peuvent être anxieux du fait de l'amalgame qu'ils font entre l'hospitalisation de leur enfant et leurs expériences personnelles de l'hôpital.
Les mères, plus anxieuses que les pères.
En 1998, P. J. Shirley et coll. (Aberdeen, Royaume-Uni) (1) ont mesuré à l'aide de l'échelle de Leeds (2) l'anxiété de 100 parents d'enfants devant être hospitalisés pour une chirurgie élective programmée. Une anxiété significative a été mise en évidence chez 42 % des parents. Les mères ont été identifiées comme plus particulièrement anxieuses que les pères. Les principales raisons en étaient : l'acte chirurgical, l'anesthésie, la douleur postopératoire et sa prise en charge et, enfin, l'hospitalisation en général. Fait important, tous les parents, identifiés comme anxieux ou non, étaient en accord avec l'idée que plusieurs facteurs pouvaient être à même de réduire cette anxiété. Il s'agissait de la délivrance d'une information préalablement à l'intervention, la possibilité d'accompagner l'enfant près de la salle d'opération et le fait d'être présent lors de l'induction de l'anesthésie.
Les mères sont aussi beaucoup plus demandeuses que les pères d'informations sur les risques anesthésiques, y compris le risque de décès, même si ce dernier est présenté comme faible (3). Inversement, les pères désirent davantage que les mères des informations sur les risques les plus probables.
L'angoisse des parents est évidemment influencée par l'importance du geste chirurgical. Par exemple, à la suite d'entretiens et de questionnaires avec 100 parents, N. Thompson et coll. ont montré qu'une anxiété significative était présente chez 47 % des parents de leur cohorte (4). Aucun facteur prédictif d'anxiété n'a pu être mis en évidence par ce travail, si ce n'est l'importance de l'intervention. Toutefois, les mauvaises expériences vécues lors d'hospitalisations précédentes peuvent induire cette anxiété, en particulier la peur ou l'anxiété ressenties par les enfants dans la semaine qui a suivi une précédente intervention (5).
L'information est nécessaire, mais parfois anxiogène.
L'information délivrée aux parents paraît donc essentielle. Toutefois, elle est parfois perçue avec réserve par certains anesthésistes, la considérant comme pouvant induire une anxiété supplémentaire et détourner les parents de l'information nécessaire à l'obtention du consentement. En effet, dans un éditorial relatif à deux travaux sur l'évaluation de l'anxiété parentale et les modalités d'information, Zeev Kain (université Yale, New Haven, Connecticut, Etats-Unis) soulignait que, même si la plupart des parents étaient satisfaits par une information de qualité, 35 % d'entre eux la considéraient comme anxiogène (6). Z. Kain rappelait également que les parents auxquels une information détaillée était fournie étaient tendus, déprimés et « se sentaient mal », tout en soulignant que des travaux congruents plus récents ne mettaient pas en évidence ces aspects négatifs de l'information parentale.
Concernant la nature de l'information à délivrer, W. Habre a relevé la difficulté de transposer des données anglo-saxonnes à la pratique des pays appartenant à une culture latine, qui privilégient la communication verbale à l'écrit (7). En tout état de cause, le praticien devrait s'adapter au niveau socio-économique et culturel des parents. Une revue de la littérature a été réalisée par A. Lee et coll. (Hong Kong, Chine) afin de vérifier le bien-fondé de l'information en anesthésie et de déterminer le type de support le plus approprié (8). Les critères de jugement de la qualité de l'information étaient l'anxiété des parents, leur niveau de connaissance et leur satisfaction. Dans cette méta-analyse, l'anxiété est apparue plus faible en cas d'information écrite ou sous forme d'enregistrement vidéo. Les patients informés par vidéo semblent plus aptes à répondre convenablement aux questions de connaissance, comparativement à ceux n'ayant pas été informés. Le niveau de connaissance sur la prise en charge de la douleur est plus élevé en cas d'information par vidéo qu'en l'absence d'information. Toutefois, le niveau de satisfaction des patients est identique, qu'ils aient été préalablement informés ou non. Globalement, la méta-analyse est en faveur de l'information écrite ou sous forme vidéo.
Au total, l'information des parents répond à des exigences morales, éthiques, déontologiques et légales (7). De plus, elle permet de réduire l'anxiété des parents, d'établir une relation de confiance avec eux et d'obtenir leur consentement éclairé.
D'après la communication de W. Habre (hôpital des Enfants, hôpitaux universitaires de Genève).
(1) Shirley PJ, et coll. Parental anxiety before elective surgery in children A British perspective. « Anaesthesia » 1998;53(10):956–9.
(2) Snaith RP, et coll. The Leeds scales for the self-assessment of anxiety and depression. « Br J Psychiatry » 1976;128:156-65.
(3) Litman RS, et coll. Parental knowledge and attitudes toward discussing the risk of death from anesthesia. « Anesth Analg » 1993;77(2):256-60.
(4) Thompson N, et coll. Pre-operative parental anxiety. « Anaesthesia » 1996;51(11):1008-12.
(5) Bevan JC, et coll. Preoperative parental anxiety predicts behavioural and emotional responses to induction of anaesthesia in children. « Can J Anaesth » 1990;37(2): 177-82.
(6) Kain ZN. Perioperative information and parental anxiety : the next generation. « Anesth Analg » 1999;88(2):237-9.
(7) Habre W. Informations des parents en anesthésie. Conférences d'actualisation, « SFAR » 2007.
(8) Lee A, et coll. Educating patients about anesthesia : a systematic review of randomized controlled trials of media-based interventions. « Anesth Analg » 2003;96(5):1424-31.
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